1. Pas trop de séparation entre l'Eglise et l'Etat
Les Américains n'ont décidément pas la même définition de la laïcité que nous. Je suis allée voter avec Katy Waldman, de Slate.com, et son bureau de vote était... une église de Georgetown:
La pratique est habituelle aux Etats-Unis, mais pas consensuelle pour autant. Certains électeurs sont gênés de devoir se prononcer sur le droit à l'avortement dans des lieux religieux, et une étude affirme que les gens qui votent dans des lieux de cultes ont des votes légèrement plus conservateurs que ceux qui votent dans des lieux neutres religieusement.
En plus des églises, les Américains peuvent voter dans des écoles, comme en France, mais aussi des bars, des bowlings, des magasins de voitures ou des salons de coiffures...
2. Des isoloirs pas très isolants
Dans son bureau, Katy pouvait choisir de voter avec un bulletin papier ou électronique. Elle a fait ça old-school, et pour le remplir, s'est rendue dans un isoloir, ou plutôt dans la version américaine d'un isoloir:
La femme pliée en deux à droite de la photo est en train de remplir son bulletin... Très étrange de ne pas voir de rideaux, surtout que vu le monde qu'il y avait, on se retrouvait facilement derrière les électeurs en faisant la queue pour faire la preuve de son identité. La machine était un peu mieux isolée.
3. On vous croit sur parole
C'est fou que la fraude électorale existe si peu, quand on voit qu'à Washington D.C. par exemple, il n'y a pas besoin de donner une pièce d'identité pour prouver qui on est. Katy a donné son nom de famille, l'assesseure l'a trouvé dans son cahier, l'a fait signer puis lui a donné une petite carte jaune à signer également, lui donnant droit à aller chercher son bulletin dans la ligne d'à côté.
Si j'avais voulu, j'aurais pu dire que je m'appelais Katy Waldman, et hop, a voté. Mes confrères de Slate.com ne voient pas trop le problème. Et dans les faits, il est vrai qu'il n'y a qu'un cas d'imposteur pour 15 millions de votes.
4. C'est vrai que c'est compliqué, un bulletin américain
Le bulletin papier de Katy était plus grand qu'une feuille A4, et avait des questions recto-verso. Il faut remplir l'ovale correspondant à son choix en noir ou en bleu, avec des stylos fournis sur place.
Les Américains votent à la fois pour le Président, pour leur(s) représentants, certains pour leur sénateur, d'autres pour des mesures étatiques ou locales (référendums sur l'avortement, la légalisation du cannabis, le mariage homosexuel...). Katy devait par exemple décider si elle était pour ou contre l’inéligibilité d'un ancien condamné à une élection municipale.
Il s'agit tout de même d'une manière de donner une voix, une vraie, aux électeurs qui ne votent pas dans un swing state. «Au moins, mon vote fera une différence au niveau de l'Etat de New York», m'a expliqué Andrea Rosengarten, une étudiante de l'université de Columbia qui s'est rendue aux urnes avec sa mère ce matin. En plus de voter pour un des candidats présidentiels (full disclosure: ce n'était pas Romney), elle a choisi des sénateurs et des membres de la Cour suprême de New York.
5. Même les votes papiers sont des votes sur machines
Katy a rempli un bulletin papier, mais celui-ci n'est pas allé dans une de nos urnes transparentes, il est rentré dans une machine qui l'a scanné pour compter les résultats:
Sur la droite, une petite pile d'autocollants «J'ai voté», en anglais et en espagnol. C'est l'équivalent du tampon sur notre carte d'électeur, sauf qu'on ne se balade pas toute la journée en montrant notre carte à tout le monde. Les Américains portent fièrement leur autocollant, et Slate.com a même créé des modèles à imprimer soi-même pour les pauvres bougres qui n'en auraient pas eu à leur bureau de vote.
6. Des bureaux de vote plus stricts que d'autres
On n’a pas le droit de faire de la publicité pour un candidat (electioneering) devant les bureaux de vote, mais certaines polling stations sont plus strictes que d’autres. A Harlem, par exemple, j’ai été accueillie par un homme qui, après avoir voté, s’assurait auprès de tous les électeurs qu’ils avaient bien l’intention de choisir Obama.
Il faut dire que le quartier est traditionnellement acquis à la cause démocrate et que le nombre de votes républicains dans un bureau de la 135e rue risque d’être quasi-nul. En revanche, des étudiants étrangers de Columbia se sont fait renvoyer du même bureau car ils filmaient les électeurs à l'intérieur du bureau. «C'est de l'intimidation», m'a expliqué Linda Brown, la coordinatrice.
7. Certains bureaux de vote se soucient plus du Costa Rica que du Président
C'est le cas de la Lilie Devereaux Blake School, un des bureaux de vote du Upper East Side, où les élèves (qui n'ont pas cours aujourd'hui) profitaient de l'Election Day pour lever des fonds en vendant des gâteaux afin de partir «aider la communauté au Costa Rica».
8. A New York, les bureaux de vote sont bondés à cause de Sandy
Ce matin, à 9 heures du matin, le bureau de vote de la 135ème rue Ouest était déjà bondé, à tel point que certaines personnes ont décidé de repartir sans essayer de faire la queue. La coordinatrice du bureau, Linda Brown, m'a expliqué que ça risquait d'empirer à 17h30, quand les électeurs sortiraient du travail.
Les queues sont particulièrement longues dans les bureaux de vote de New York car beaucoup ont été fermés après l'ouragan Sandy. «Le gouverneur Cuomo a dit qu'on pouvait voter dans n'importe quel bureau», a soupiré Brown avant de se retourner vers la longue file d'électeurs.
Cécile Dehesdin (à Washington D.C.) et Daphnée Denis (à New York)