Des événements totalement indépendants de la politique peuvent-ils influencer le résultat d’une élection? C’est la question que se sont posés les économistes Andrew Healy, Neil Malhotra et Cecilia Mo dans un passionnant article paru dans la revue scientifique Proceedings of the national academy of science.
Plus précisément, ils se sont intéressés à l’impact que peuvent avoir les résultats des matchs de football américain universitaire qui ont lieu la veille d’élections présidentielles, sénatoriales ou des gouverneurs sur le vote. Ils sont arrivés à la conclusion qu’une victoire de l’équipe locale dans la semaine précédant une élection augmente les chances du candidat sortant d’environ 1,5 point de pourcentage.
Chez les vingt plus grosses équipes (celles qui attirent le plus de public), une victoire peut même faire augmenter le vote pour le sortant de 3 points. Autre découverte: les victoires surprises sont particulièrement puissantes, et augmentent le soutien local au politicien sortant de 2,5 points de pourcentage.
Ces variations sont significatives, surtout pour des élections serrées, comme devrait l’être celle qui oppose Mitt Romney et Barack Obama. Et la méthodologie est on ne peut plus rigoureuse: les données récoltées concernent 62 grandes équipes universitaires sur la période 1964-2008.
La «Redskins Rule»
Ils montrent en tous cas que les sports peuvent nous remonter le moral, ce qui tend à nous rendre plus satisfaits de notre situation actuelle. Et être heureux de sa situation pousse plutôt à voter pour le candidat sortant, même si cela est totalement irrationnel. Et le phénomène n’est pas limité au football, comme l’écrivent Tyler Cowen et Kevin Grier sur Slate.com:
«Les auteurs ont aussi étudié le tournoi de basketball universitaire NCAA 2009 et trouvé des résultats généralement similaires. Une autre étude portait sur les élections municipales entre 1948 et 2009 et leur lien avec les résultats de matchs professionnels de baseball, football américain et basketball. Encore une fois, si l’équipe locale fait une bonne saison, il y a une bonne chance pour que les candidats sortants fassent un bon score le jour de l’élection.»
Ce n’est pas la première fois que des Américains s’intéressent aux éventuelles corrélations entre les résultats sportifs et les résultats électoraux. Selon la «Redskins Rule» souvent citée par les commentateurs politiques, le dernier résultat de l’équipe de football américain des Washington Redskins permet de prédire le résultat de l’élection présidentielle. Si les Redskins gagnent, le parti qui a remporté le plus de voix au total (et non pas le plus de grands électeurs) lors de la précédente élection gagne la suivante, et vice-versa.
La politique et le sport sont souvent étroitement liées aux Etats-Unis. Fin septembre, la défaite au football américain des Packers de Green Bay contre les Seahawks de Seattle sur un touchdown contesté accordé à la dernière seconde par des arbitres remplaçants (les arbitres professionnels sont en grève depuis le début de la saison à cause d'un conflit concernant leurs contrats) avait fait irruption dans la campagne présidentielle, provoquant un débat entre notammen Barack Obama et Paul Ryan.