Si c’est le discours d’Ann Romney, l’épouse du candidat, qui a essentiellement capté l’attention de la presse française lors de la première soirée de la convention républicaine à Tampa (Floride), mardi 28 août, elle n’était pas la seule personnalité de premier plan à parler. La soirée a en effet été aussi marquée par le keynote speech (le discours chargé de donner le ton politique de la convention, le plus important après celui du candidat) signé Chris Christie, le gouverneur du New Jersey.
Un discours d’autant plus attendu que cette keynote a dans le passé servi de révélateur à certains élus (notamment côté démocrate: l'élue afro-américaine Barbara Jordan en 1976, le gouverneur de New York Mario Cuomo en 1984 et, surtout, Barack Obama, alors simple candidat au Sénat, en 2004) et que le New York Post venait de révéler la veille que Christie aurait refusé le poste de candidat à la vice-présidence que lui proposait Romney: ce dernier lui imposait de quitter son poste de gouverneur mais Christie, dont une éventuelle candidature pour 2016 est déjà testée, ne croirait pas en ses chances de victoire.
«Il est temps de mettre fin à cette ère de leadership absent dans le Bureau ovale et d’envoyer de vrais leaders à la Maison Blanche», a déclaré Christie en attaquant Obama:
«Vous voyez, Monsieur le président, les vrais dirigeants ne suivent pas les sondages. Les vrais dirigeants changent les sondages.»
Le gouverneur a aussi fait profession de réalisme: «Nos problèmes sont importants et les solutions ne seront pas sans douleur», a-t-il lancé, affirmant que Mitt Romney était prêt à affirmer de «dures vérités».
A l’exception du Washington Post, qui pense que Christie «a contribué à injecter une énergie bienvenue» à la convention, l’accueil de la presse oscille entre le tiède et le négatif. David Gergen, analyste politique pour CNN, estime que son discours «ne restera pas dans les mémoires» et a avant tout aidé à «renforcer les votes que Romney détient déjà». David Frum de The Daily Beast pointe lui «un discours brouillon, mal préparé» et «sans thème».
Un discours trop policé?
Le site The American Prospect, classé à gauche, a lui trouvé Christie, réputé pour son franc-parler brut de décoffrage, trop policé:
«Le Christie spontané parle comme un voyou; il est brutal et abrupt. Le Christie calibré, placé dans la position inhabituelle d’orateur principal du parti, en prime time sur toutes les chaînes, n’a pas fait cela.»
Le New York Magazine, lui, a noté avec amusement le regard amorphe/excédé/ennuyé de Romney pendant le discours. Beaucoup estiment d’ailleurs que le discours de Christie lui a surtout servi de tribune personnelle. Selon Michael Tomasky de The Daily Beast, «c’était un bon discours pour Christie», mais pas pour Romney.
«Christie a consacré la première partie de son discours à lui-même», et la suite, si elle mentionnait le candidat, ne contenait pas «une ligne un peu personnelle sur Mitt», s’étonne son collègue Howard Kurtz: «C’est comme si les deux ne s’étaient jamais rencontrés.» La chroniqueuse de MSNBC Rachel Maddow a elle dénoncé «un acte d’égoïsme politique».
Plus tôt dans la journée, Christie avait d’ailleurs été interrogé par NBC sur ses ambitions personnelles:
«—Beaucoup de gens vous regardent et se disent: "C’est peut-être ici qu’il se lance à la conquête de la nomination pour la prochaine fois". Cela contient-il une part de vérité?
—J’en doute, car je pense que Mitt Romney participera à la convention de 2016, où il sera nominé candidat à un second mandat. Et donc vous parlez de 2020 — c'est très très loin.»