Comment diviser le loyer entre colocataires? C’est sur ce problème épineux, source d’infinies tensions entre cohabitants et d’autant de petites tensions accumulées qui finissent parfois en drames humains, que le New York Times se penche dans un article consacré aux mathématiques du partage harmonieux du loyer.
Au départ, tout devrait être pourtant simple. Il suffirait de diviser le loyer à parts égales et dans les cas –fréquents– où les chambres ont des tailles différentes ou un confort variable, de faire payer un peu plus ou un peu moins à chacun en fonction de la chambre qu’il occupe.
Problème: nous évaluons subjectivement les différentes pièces, et donc ces estimations varient. Untel sera sensible à la lumière naturelle ou à la vue depuis sa fenêtre, tel autre à la superficie de la chambre, un troisième privilégiera le fait d’avoir une salle de bain, des toilettes ou un espace de rangement individuel, etc.
Les plus attachés à l’idéal collectiviste proposeront par ailleurs que chacun paie en fonction de ses revenus. La négociation autour de la répartition des chambres et donc des loyers aboutira probablement, dans tous les cas, à du ressentiment.
C’est pourquoi les spécialistes de la théorie des jeux ont tenté de trouver la méthode parfaite pour que le partage se fasse de manière consensuelle –méthode qui peut s'appliquer aussi pour découper un gâteau, partager des propriétés entre héritiers ou des biens après un divorce.
En 1999, raconte le New York Times, Francis Su, professeur de mathématiques qui termine alors sa thèse à Harvard, est sollicité par un ami confronté au problème du partage équitable et consensuel du loyer dans sa colocation. Il n’en faut pas plus pour qu'il s’intéresse de près aux implications théoriques de la question et publie un article sur l’harmonie du partage du loyer basée sur les découvertes faites en 1928 par son prédécesseur, un certain Emanuel Sperner:
«Le truc, c’est de construire une procédure dans laquelle chacun agit selon son intérêt personnel et obtient un résultat juste.»
Passons à la pratique. Pour cela, il faut vous rendre sur le site du New York Times, qui a développé une application dérivée des théories du partage parfait et indolore. Vous entrez les noms des colocataires, les caractéristiques de chaque chambre (par exemple «la petite chambre», «la chambre avec vue», etc.). Puis l’appli va proposer à chacun d’entre vous –de manière aléatoire et pas nécessairement chacun à votre tour– une possible répartition du loyer entre les chambres, et vous demander la chambre que vous choisiriez si c'était cette répartition qui était appliquée.
L'idée est de voir combien vous êtes prêt à payer pour la chambre de vos rêves, ou du moins la plus agréable. Vous cochez les choix proposés et, au bout d’un certain nombre de tours vous est présentée une répartition consensuelle.
Pour l'exemple de répartition ci-dessus, on imagine que les dollars proposés par le site sont des euros, qu'il y a trois chambres et que le loyer est de 1.400 euros. Il y a la petite, la moyenne et la grande chambre. Trois jeunes étudiants, Pier, Pol et Jak, emménagent ensemble.
Ci-dessous, on peut suivre les étapes de la procédure: comme dans un jeu, il y a plusieurs tours, sauf qu'à la fin chacun est censé gagner.
A vous de jouer. Bonne chance!