La situation est connue: en déplacement, aucun supermarché à l’horizon pour acheter un sandwich, il va falloir manger seul au restaurant.
Faut-il avoir honte? Pas forcément, mais la perspective de passer au moins 30 minutes sans parler, entouré par des gens qui dînent à plusieurs, ne fait pas toujours envie. Même si manger reste un plaisir.
Ce malaise est parfaitement représenté dans un film sorti en 1984, The Lonely Guy: le personnage interprété par Steve Martin a le malheur de demander une table pour une personne. Le maître d’hôtel le regarde effaré et le restaurant entier devient silencieux et le dévisage.
C’est encore un épisode de la série Sex and the City où, parce qu'elle est seule, Carry Bradshaw se retrouve reléguée au bar d’un restaurant new-yorkais à côté d’une vieille dame qui prend ses médicaments et lui fait penser qu’elle finira comme elle, vieille fille.
C’était avant que les smartphones ne deviennent des compagnons bien utiles ou que des solutions soient trouvées pour éviter de se retrouver dans cette situation. Il y a notamment le co-lunching ou ce site qui permet aux femmes de se retrouver pour manger entre elles et fuir la solitude.
Mais un restaurant éphémère créé en 2013 à Amsterdam prouve que les solitaires amateurs de bonne bouffe pourraient être plus nombreux qu’on ne le croit. Eenmaal (dont nous vous parlions en 2013) a été lancé par Marine Van Goor qui espère bien exporter l’idée à l’étranger en 2014, rapporte Businessweek.
A Eenmaal, il y une salle et 10 tables pour une personne. Pour que chacun puisse apprécier, réfléchir et ne pas se laisser distraire, comme ça peut arriver à une table commune ou au bar d’un restaurant, argumente la fondatrice.
Car qui n’a pas eu envie de savourer un bon plat au lieu de devoir faire la conversation à un déjeuner de travail au détriment de ce qu'il y a dans son assiette? C’est le cas de la journaliste de L’Express, Géraldine Dormoy, qui soulignait en mars dernier à quel point elle appréciait cette pratique. Dans son billet de blog intitulé «Déjeuner en paix», elle explique:
«Lorsque je partage un repas avec quelqu’un, soit je l’écoute, soit je savoure mon plat. J’ai le plus grand mal à me concentrer sur les deux en même temps.»
Cela implique de surpasser le manque confiance en soi ou la peur du regard des autres, qui arrête souvent ceux qui voudraient manger sans être accompagné, note une collaboratrice de Forbes:
«Arrêtez de penser à l'époque où vous mangiez à la cantine de l'école et grandissez un peu. La plupart des gens ne soucient pas de votre situation. Ils sont plus inquiets pour la cuisson de leur steak ou veulent savoir si la serveuse a craché dans leur verre après qu'ils l'ont renvoyé pour la troisième fois.»
Ce manque de confiance, une Américaine l'a dépassé et raconte qu'un dîner en solitaire dans un grand restaurant à Chicago a été le meilleur de sa vie:
«Personne ne m'a regardé bizarrement ou n'a rigolé lorsque je suis allée m'assoir seule à ma table. Comme je n'avais pas d'amis avec qui discuter, j'ai plus parlé avec les serveurs, surtout à propos de ce que je mangeais. (...) C'est comme ça que j'ai appris comment cuisiner le quinoa ou un plat à la carotte et pourquoi le dessert était inspiré de la cuisine des Philippines.»
Surtout que les listes d'adresses où manger seul(e) fleurissent sur Internet: Yelp, Trip Advisor et les blogs en proposent depuis des années. Le magazine américain Bon Appétit a demandé à Alexander Lobrano, auteur de Hungry for Paris, de donner six de ses meilleures adresses pour manger seul dans la capitale.
Si le concept de restaurant pour personnes seules n’est pas encore arrivé en France, un étudiant de Yale estimait en 2012 que Paris était l’une des villes où il faisait bon rester en solitaire face à son assiette. Aussi pour observer les techniques de drague à la française...