Quartz vient de publier un «guide complet pour manger à votre bureau», qui est en réalité plus précisement un guide pour manger sur votre bureau, sur le meuble quoi, sans avoir de soucis logistiques. Aux Etats-Unis, seulement un tiers des travailleurs prennent une vraie pause pour le déjeuner.
Quartz donne de plus ou moins ironiques conseils, comme «n'ayez pas honte» (de l’odeur du chorizo ou du vieux frometon), «protégez votre surface de travail» (pour éviter de mettre de la sauce sur votre ordinateur), «choisissez vos aliments judicieusement» (pour qu’ils n’endommagent pas trop votre surface de travail), «proposez à vos voisins de partager» (du genre, si vous commandez des pizzas, proposez à tout le monde) etc.
En France, les salariés sont «les champions du monde de la pause déjeuner». Selon une étude réalisée par Monster en 2011, pour 58% des travailleurs, la pause déjeuner est un «moment incontournable de la journée de travail». Mais une autre étude de Malakoff Médéric explique qu’on est quand même de moins en moins champions, puisque les Français prennent en moyenne 22 minutes de pause déj’, contre 1h38 il y a 20 ans. Toujours est-il que seulement 12% des salariés déclarent manger en travaillant, derrière leur écran. Alors, ça donnerait quoi un guide (non-exhaustif) du bien manger au bureau ici?
Profiter de la solitude ou discuter ?
On va prendre le cas de figure du travailleur qui n’a pas de cantine d’entreprise et qui ne veut pas non plus aller au resto. Il n’a donc pas d’autre choix que de manger au boulot (ou au parc si c’est l’été).
Pour la diététicienne Ariane Grumbach, «il est important de faire une vraie pause, pour préserver la convivialité. Donc pas devant un ordinateur, mais dans les lieux que beaucoup d’entreprises proposent aux salariés pour manger à plusieurs. Et il vaut mieux manger consciemment». Or, manger consciemment n’est pas aisé si on mange en travaillant. Ou si l’on mange en lisant un article passionnant ou en regardant une vidéo youtube tout aussi passionnante.
L’essentiel, c’est surtout de «prêter attention à ce que l’on mange. Sinon on n’a pas l’impression d’avoir mangé et fait une vraie pause! On ne se rend pas compte que l’on a mangé, on rate le plaisir et on se sent donc moins rassasié». Et du coup, on se jette sur un Snickers à 17h. Ceci dit, précisons qu’on peut aussi ne pas être attentif à son repas parce que l’on est complètement perdu dans ses pensées, ou parce que l’on a un débat captivant avec un collègue…
Anticipez un peu la bonne chère
La grande question, c’est évidemment quoi manger. Pas trop pour ne pas s’endormir, mais assez pour ne pas être en hypoglycémie à 15h… On ne vous rappellera pas l'histoire des protéines, féculents, légumes et fruits.
Pour Ariane Grumbach, il faut surtout lutter contre la monotonie pour ne pas mourir d’ennui gastronomique:
«Essayer de varier! Si vous achetez votre déjeuner à emporter, explorez votre environnement, faites vous un petit carnet d’adresses de lieux différents.»
Ensuite, pour économiser et souvent mieux manger, «une à plusieurs fois par semaine, faites-vous à manger! Apportez des des restes de la veille qui se mangent froids, comme une part de quiche ou un morceau d'omelette. Ou même des plats à réchauffer si vous avez un micro-onde au travail. Vous pouvez aussi cuisiner des pâtes ou du riz en plus grande quantité le soir, et en faire des salades… Une céréale et des petits accompagnements, c’est un repas très intéressant!». 28% des salariés pratiquent déjà le repas home made à emporter, et la tendance est à la hausse selon Malakoff Médéric.
Bref, il y a plein de choses à faire avec les restes. Le bento est aussi un accessoire hautement recommandable au bureau. Vous remplissez cette chic boîte avec plein de petits éléments variés, la plupart du temps froids, avec une base de féculents comme une dose de riz. Dans ce cas là, «assaisonnez bien votre riz avec des petites choses qui vont donner du goût, du sésame, des graines de courge, des noix concassées, du shiso rouge…», conseille Ariane Grumbach.
Adaptez-vous à votre emploi du temps
Ça peut paraître évident mais… pas toujours en fait. Si votre réunion commence dans 5 minutes, au lieu d’engloutir votre sandwich et de finir dans un sale état pendant ladite réunion, mangez-en la moitié, tranquillement, de quoi ne pas mourir de faim non plus, et voilà, vous finirez le reste après.
Faites appliquer vos droits culinaro-salariés
Petite parenthèse droit du travail. Vous avez forcément droit à un petit local pour vous sustenter sereinement. Selon le code du travail :
«Dans les établissements où le nombre de travailleurs désirant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est au moins égal à vingt-cinq, l'employeur est tenu, après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut des délégués du personnel, de mettre à leur disposition un local de restauration. Ce local doit être pourvu de sièges et de tables en nombre suffisant et comporter un robinet d'eau potable, fraîche et chaude, pour dix usagers. Il doit en outre être doté d'un moyen de conservation ou de réfrigération des aliments et des boissons et d'une installation permettant de réchauffer les plats.»
Si vous êtes plus que 25, vous pouvez donc popoter tranquillement. Et si vous êtes moins de 25, vous devez quand même avoir un petit endroit où manger loin de vos ordinateurs et autres outils de travail:
«Dans les établissements où le nombre de travailleurs désirant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à vingt-cinq, l'employeur est tenu de mettre à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité.»
Comme le précise le site spécialisé en ressources humaines wk-rh.fr, «cette obligation est le corollaire d’une interdiction: celle de laisser les salariés, pour des raisons d’hygiène évidentes, prendre leurs repas à leur poste de travail (C. trav., art. R. 4228-19).»
Plus précisément, «Il est interdit de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail», dit le code du travail. Donc, avaler un sandwich triangulaire et mollasson derrière son ordi, c'est théoriquement interdit. Ceci n’étant évidemment pas appliqué à la lettre par tous les patrons. Sachez en tous cas que sauter la pause, c’est travailler 16 jours par an gratos.
Quant à la durée, il y a un minimum légal, 20 minutes de pause obligatoire à partir de 6 heures de travail quotidien.
Inventez des trucs
Il y a plein de choses à inventer pour bien manger au bureau. On en parlait ici en septembre, le mouvement «Tous à poêle au bureau!», lancé par la Ruche qui dit Oui!, propose de cuisiner (cuisiner en bonne et due forme, pas juste réchauffer) avec et pour ses collègues. Les salariés de la Ruche ont instauré une organisation, absolument pas contraignante, leur permettant de manger des bons petits plats chaque jour, de simplifier les choses et de diminuer les intermédiaires, et sans se ruiner.
Dans d’autres entreprises, on fait ça une ou deux fois par semaine. Ou, dans de plus grosses structures, on s’organise à deux ou trois personnes, chacune cuisinant à tour de rôle. Bref, il y a du potentiel créatif.
Trouvez des gadgets
Equipez-vous un peu, pourquoi pas? Avec par exemple un bento électrique qui réchauffe votre popote, branché sur une prise. Ou, beaucoup plus génial, la boîte chauffante à bento qui se branche carrément sur un port USB.
Les plus pros du repas au bureau se muniront même d’un petit sac isotherm (à condition de ne pas avoir de collègues trop ricaneurs) ou même de mini sels et poivre (bon, d’accord, là on frôle le pique-nique de mamie).
Quid de la productivité?
Une étude publié en octobre 2013 explique travailler pendant sa pause déjeuner n’est pas forcément néfaste pour la productivité (en considérant moins les aspects diététiques et la convivialité évoqués avant). Travailler en mangeant ou manger en parlant avec ses collègues, les deux options peuvent être fatiguantes. John Trougakos, professeur associé et co-auteur de l’étude publiée sur l’Academy of Management Journal, expliquait alors que «l’aspect d’autonomie aide à compenser ce que nous pensions traditionnellement être une mauvaise façon de passer sa pause-déjeuner.»
Et de préciser: «nous avons découvert qu’un élément-clé était d’avoir la liberté de choisir de le faire ou non.»
L.H.