Il y a plus glauque que les mails qui encombrent nos boîtes de réception pour faire la promotion d'extenseurs péniens ou du Viagra. En matière de spam, du nom donné à ces courriers indésirables (que l'on doit aux Monty Python), une entreprise américaine de fournitures de bureau vient en effet de se surpasser en envoyant une publicité à l'un de ses clients occasionnels, un certain Mike Seay, adressée en ces termes:
«Mike Seay, [dont la] fille est morte dans un accident de voiture.»
Le destinataire, dont la fille a effectivement été la victime d'un accident de voiture, est évidemment choqué par ce procédé «marketing qui a mal tourné», rapporte The Los Angeles Times, qui l'a interrogé par téléphone:
«Je ne suis pas un gros client d'Office Max. Et je ne serais pas allé les voir pour raconter à qui que ce soit ce qu'il s'est passé [l'accident de voiture]. Ça ne les regarde pas.»
De son côté, la société explique que ce courrier relève d'une entreprise tierce, à laquelle elle loue une «liste de diffusion» compilant les coordonnées de clients.
Cette anecdote survient alors même que les Etats-Unis s'interrogent sur la protection de la vie privée de ses citoyens et la façon dont «les données personnelles des Américains sont collectées par les agences gouvernementales», rappelle encore The LA Times. Si le débat, amorcé par les révélations d'Edward Snowden, se pose avant tout pour Internet et ses colosses (Google, Apple, Amazon, Yahoo, Facebook...), il est en réalité tout aussi légitime en dehors des tuyaux du réseau, ainsi que le démontre cette affaire.
Les entreprises n'ont en effet pas attendu Internet, et la migration de leurs services sur le réseau, pour collecter des renseignements parfois très intimes sur leur clientèle. Assurances, opérateurs téléphoniques, banques ou même supermarchés, via le système de cartes de fidélité, ont depuis longtemps la capacité de tracer avec précisions nos faits et gestes, comme le faisait valoir le rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin, qui proposait d'inventer un nouveau système fiscal reposant sur la collecte des données personnelles.
Une récolte qui peut aller très loin. Tout en rapportant gros à certaines entreprises spécialisées dans la vente de fichiers clients. Elles «vendent aux commerciaux des listes de victimes de viol, de personnes âgées séniles et même de personnes atteintes du sida», à en croire World Privacy Forum, cité par CNN. Spécialisée dans la défense de la vie privée, l'organisation a plaidé le 18 décembre dernier pour un encadrement de ces pratiques auprès du Congrès américain.