«Quand les messages s’accumulent, sélectionnez tout, appuyez sur “Supprimer”, et déclarez la faillite de l’email». C’est ce que recommande Nick Bilton, journaliste au New York Times, et c’est exactement ce qu’il a fait le 1er janvier dernier, en supprimant ses 46.315 messages non lus «sans en lire un seul». Et tant pis pour ceux qui les ont envoyés, après tout c’est un peu de leur faute, comme il l’explique dans un article du 19 janvier 2014.
La technique qui consiste à se mettre en «faillite de l’email» (email bankruptcy en anglais) est préconisée depuis longtemps face à l’avalanche de messages que subissent les internautes (ceux qui s’en servent pour travailler, en tout cas). Comme Lifehacker l’expliquait en 2010, «ça veut dire archiver tous ces emails auxquels vous comptiez répondre, mais que vous n’avez tout simplement pas pu traiter». Quitte à envoyer un message groupé d’excuses à leurs expéditeurs, «à qui vous n’auriez jamais répondu de toute manière».
Et cependant, si toutes ces personnes ont pu vous envoyer tous ces messages à la base, c’est aussi parce que, comme le rappelle Nick Bilton, «pour la première fois dans l’histoire, la communication longue distance est essentiellement gratuite»:
«“C’est le B.A-BA de l’économie comportementale” explique Clive Thompson [journaliste américain]. “Si vous rendez quelque chose facile à faire, les gens le feront davantage”.»
Et ils le font davantage: selon une étude du Radicati Group citée dans l’article, 144 milliards d’emails par jour ont été envoyés en 2012; en 2013, c’était 182 milliards. Et cette masse est néfaste pour la productivité et la santé des employés, comme l’ont prouvé les travaux de l’université de Californie à propos du danger d'addiction aux mails.
Or, pour juguler cet afflux, il ne suffira pas de services de messagerie plus innovants, en dépit des efforts d’applications comme Sparrow (dont le développement a cessé après son rachat par Google) ou Xobni (retiré à la vente après son rachat par Yahoo): pour Branko Cerny, créateur de SquareOne, la technologie peut améliorer le sort du destinataire, mais «seule la prise de conscience humaine peut empêcher les expéditeurs de nous inonder».
«Autrefois, avec les lettres physiques, les gens réfléchissaient à ce qu’ils allaient écrire avant de l’envoyer, explique Branko Cerny. Avec le numérique, c’est: envoie d’abord, réfléchis ensuite.»
Rien d’étonnant donc à ce que la récente possibilité offerte aux membres de Google+ de contacter directement les utilisateurs de Gmail sans connaître leur adresse (on vous explique comment la désactiver ici) «ait envoyé des frissons dans l’échine de beaucoup de monde». Face à un tel raz-de-marée potentiel, «il y a toujours l’option extrême»: tout supprimer et déclarer faillite.
Voire renoncer aux emails pour de bon, et les remplacer par les réseaux sociaux. C’est ce qu’a fait MG Siegler de Techcrunch en 2011 (on vous en avait parlé sur Slate.fr) et c’est également ce qu’a fait Luis Suarez, ingénieur à IBM, en 2008 (Wired l’avait relayé en 2012). Comme l’explique Nick Bilton, Suarez se contente d’examiner les adresses email de ceux qui lui en envoient encore, pour leur répondre via «Twitter, Google Plus ou LinkedIn». Comme le déclare le même Suarez dans l’article de Nick Bilton:
«Si l’email avait été inventé aujourd’hui, il n’aurait probablement pas survécu en tant que technologie. Les sites sociaux sont bien plus efficaces.»