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Des pigeons voyageurs pour contourner la surveillance d'Internet

Temps de lecture : 2 min

Winston, un pigeon voyageur de 11 mois à Durban le 9 septembre 2009, REUTERS/Rogan Ward
Winston, un pigeon voyageur de 11 mois à Durban le 9 septembre 2009, REUTERS/Rogan Ward

Le 30 juin 2013, à la suite des révélations sur les programmes de surveillance des Etats-Unis et du Royaume-Uni, Anthony Judge, ancien assistant du secrétaire général de l'Union des associations internationales [un institut de recherche et de documentation à but non lucratif sous mandat des Nations unies], a publié une proposition détaillée intitulée «Contourner la surveillance invasive d'Internet avec des pigeons voyageurs».

Judge y évoque les compétences établies des pigeons voyageurs en matière de livraison de messages, leur efficacité en tant que messager non-militaire et militaire et des expériences chinoises pour créer des pigeons cyborgs.

Judge reconnaît que les réseaux de pigeons ont leur propre vulnérabilité (comme la maladie, les faucons ou la possibilité de se faire appâter par des leurres sexys), mais soutient que d'autres ont prouvé que les pigeons sont efficaces quand il s'agit de transmettre des données numériques.

La proposition de Judge prend racine dans une séries de demandes de commentaires (RFC pour «request for comment») formulées à l'Internet Engineering Task Force, l'organisme ad hoc chargé de développer et de promouvoir les standards Internet. Le 1er avril 1990, David Waitzman a soumis une RFC autour de l'idée d'utiliser des pigeons voyageurs pour transmettre des données électroniques. Waitzman a baptisé son nouveau standard de communication «Internet protocol over avian carriers» (IPoAC).

Neuf ans plus tard, Waitzman a publié une nouvelle RFC, suggérant des améliorations pour son protocole original. Le 1er avril 2011, Brian Carpenter et Robert Hinden ont publié leur propre RFC détaillant comment utiliser IPoAC avec les dernières révisions du Protocole Internet IPv6.

Bien que ces trois RFC aient été publiées en tant que poissons d'avril, l'idée IPoAC a encouragé le groupe Bergen Linux à envoyer neuf pigeons, portant chacun un «ping» simple, parcourir près de 5 km en 2004. Ils ne reçurent que quatre réponses, ce qui signifie que seulement quatre pigeons sont arrivés à destination.

Quelques années plus tard, une entreprise d'informatique sud-africaine a organisé une course entre des pigeons portant des cartes de données et la vitesse de transfert de leur fournisseur d'accès à Internet local. Les pigeons ont facilement gagné.

Un FAI britannique a effectué un test similaire en 2010 en envoyant un pigeon portant une carte micro SD contenant une vidéo de cinq minutes parcourir 120 km en 90 minutes, battant le temps nécessaire pour charger la même vidéo sur YouTube via la connexion internet d'une ferme rurale.

Avant l'avènement de l'Internet mondial et des transferts de données rapides, transporter des informations entre deux appareils de stockage était courant. Les «sneakernets», des réseaux de personnes se déplaçant en sneakers et portant des données numériques, n'ont pas disparu.

En 2010, le raid contre le repère d'Oussama Ben Laden a permis de découvrir qu'il avait échappé aux agences de renseignement américaines en utilisant un coursier pour envoyer des brouillons d'emails stockés sur des clés USB depuis un Internet café du coin. Au Bhoutan, un projet de réseau hors ligne distribue des ressources éducationnelles numériques (comme des vidéos de l'académie Khan et des articles Wikipedia archivés) à des centaines d'écoles dans le pays qui n'ont pas d'accès à Internet. Des clés USB ont déjà été utilisées pour échapper aux restrictions d'Internet en Corée du nord et à Cuba.

Alors que les gouvernements et les entreprises bloquent et surveillent de plus en plus les communications Internet, et que la production de données continue à aller plus vite que l'augmentation de la vitesse de bande passante, les sneakernets aident à transporter les données. Et les pigeon-nets ne sont peut-être pas si loin derrière.

Rex Troumbley est doctorant en sciences politiques à l'Université d'Hawaï, où il étudie la politique du langage tabou. Il blogue sur Politicalquery.com.

Cet essai est d'abord paru dans Internet Monitor 2013: Reflections on the Digital World, publié par le projet Internet Monitor du Centre Berkman pour l'Internet et la société d'Harvard. Sa licence est Creative Commons attribution 3.0 non transposé. Il a été légèrement modifié pour correspondre au guide de style de Slate.com, puis traduit pour Slate.fr.

Traduit par Grégoire Fleurot

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