La pollution de l’air en Chine atteint de tels niveaux que les solutions les plus aventureuses sont étudiées dans les laboratoires. Ainsi, le maire adjoint de Pékin déclare, dans le journal South China Morning Post, que l’aspersion des nuages avec les produits chimiques destinés à provoquer des chutes de pluie ou de neige pour nettoyer l’atmosphère fait partie des solutions à l’étude. L’insémination de nuages a déjà été utilisée lors des Jeux olympiques de 2008. Mais bon, asperger les nuages par avion revient cher et la solution perd de l’efficacité en hiver, lorsque la température de l’air tombe en dessous de 0°C.
D’où la nouvelle idée du chercheur He Hui, du bureau des modifications météorologiques (oui, cela existe en Chine) de Pékin, adaptée aux basses températures: projeter de l’azote liquide dans l’air...
La méthode revient à une sorte de chasse aux particules polluantes en plein vol. L’azote liquide, au contact de poussières et autres polluants plus chaud, forme des cristaux qui capturent les particules, les alourdissent et les précipitent vers le sol. La pollution ne disparaît pas mais, au moins, on ne la respire plus.
Une solution séduisante... en laboratoire. Le diazote ou «azote», l’élément chimique N2, est un gaz constituant 78% de notre atmosphère et qui se trouve à l’état liquide si sa température ne dépasse pas -195,79°C. Il est largement utilisé dans l’industrie où il sert de liquide réfrigérant, en biologie pour conserver les organes ou en médecine pour soigner les verrues et autres tumeurs bénignes de la peau. Par ailleurs, il ne fait pas partie des gaz à effet de serre et n’a pas d’effets nocifs direct sur l’environnement. Même si, combiné à l’oxygène, il engendre les fameux oxydes d’azote, les NOx, qui sont toxiques.
La technique chinoise ferait appel à de grands réservoirs qui pulvériseraient d’azote sur une couche d’environ 10 mètres d’altitude. Plus froide, cette couche resterait plaquée au sol et éviterait que l’air pollué situé plus haut ne descende jusqu’au sol. Une ceinture antipollution qui pourrait fonctionner pendant plusieurs heures après la dispersion.
Comme nombre de bonnes idées sur le principe, le gel de la pollution à l’azote liquide pose certains problèmes. Celui de la manipulation d’un liquide aussi froid engendre des risques de graves brûlures pour ces ouvriers. S’il reste ne serait-ce que des gouttelettes d’azote liquide près du sol, les passants pourraient être sérieusement blessés. Pas question de faire appel à cette solution s’il y a du vent. Enfin, il ne faudrait pas que se forment des poches dans lesquelles la quantité d’azote gazeux deviendrait trop forte. Cela arrive lorsque ce gaz est utilisé contre les incendies dans des lieux confinés. Les personnes prises au piège meurent alors par asphyxie en raison du manque d’oxygène dans l’air.
Autant de raisons qui rendent relativement improbable cette solution. Néanmoins, tout est une question de rapport risque-bénéfice. Lorsque l’on vit toute l’année dans une atmosphère irrespirable responsable d’un nombre très élevé de décès, on est sans doute prêt à courir certains autres dangers.
Pour la Chine, l’équation semble délicate. La véritable solution, la réduction des émissions polluantes, a un impact direct soit sur la compétitivité (augmentation des coûts), soit sur le niveau de production. Des effets négatifs sur la croissance qui semblent moins supportables pour le gouvernement chinois que la mise en danger de la santé publique ou le recours à des techniques aléatoires pour dépolluer l’air ambiant.
Michel Alberganti