Sciences / Life

Evolution: la beauté est-elle un moyen de distinguer les plus sociables d'entre nous?

Temps de lecture : 2 min

Ou comment une étude sur les renards nous explique que la beauté pourrait être un critère objectif.

Attractive faces scale / Manitou2121 via FlickrCC License by
Attractive faces scale / Manitou2121 via FlickrCC License by

Et si ce qu'on appelle la «beauté» n'était en réalité qu'un moyen que l'évolution nous a donné pour distinguer les plus aimables de nos semblables? C’est ce que suggère l’anthropobiologiste Irene Elia, de l’université de Cambridge, dans une étude publiée par JSTOR en septembre 2013 et relayée le 16 novembre par The Economist. Le docteur Elia est allée chercher les origines de la beauté faciale en examinant des renards; plus précisément, les renards argentés domestiques.

Nous vous avions déjà parlé sur Slate de l'expérience de domestication de ces renards, menée en Sibérie par le généticien russe Dmitri Beliaïev dans les années 1950, qui consistait à favoriser la reproduction des bêtes les plus dociles et à isoler celles au comportement sauvage. Au fil des générations, les renards argentés ont développé non seulement un «comportement social» d'animal apprivoisé, mais aussi des changements physionomiques, qui en ont fait, comme le rappelle The Economist, «l'équivalent pour les renards sauvages de ce que sont les chiens par rapport aux loups».

«Des taches colorées sont apparues sur le pelage des animaux; leurs oreilles se sont assouplies; leurs crânes, arrondis et rétrécis; leurs visages aplatis; leurs nez retroussés; et leurs mâchoires raccourcies.»

Le docteur Elia reconnaît là une évolution dite néoténique: les animaux domestiqués, «au comportement sociable», ont hérité génétiquement des traits juvéniles de leurs congénères sauvages. Or, comme le rappelle l'étude, c'est précisément cette néoténie que recherchent les humains dans les visages qu'ils considèrent «beaux».

Citant d'autres travaux à l'appui, l'étude insiste sur le fait que cette attirance est innée («Des bébés âgés d'à peine deux mois préfèrent contempler des visages féminins jugés attirants par des adultes») et qu'elle entraîne un favoritisme à tous les niveaux, les beaux enfants étant «significaticement mieux traités» par leurs parents que les autres, par exemple.

Concrètement, nous sommes depuis toujours attirés par les «beaux» humains qui ressemblent aux renards domestiqués. Pourquoi? Serait-il possible qu'en réalité, nous soyons attirés par la «sociabilité»? C’est l’hypothèse que soulève Irene Elia:

«Cette étude envisage la beauté comme une conséquence génétique et de développement de la sélection humaine, qui favorise les relations amicales de long terme avec des individus qui sont des compagnons, des parents, des enfants...»

En d’autres termes, ce serait la sélection naturelle qui aurait engendré la «beauté». En recherchant la compagnie (et la fécondation) de leurs semblables plus «amicaux», les animaux sociaux, comme l'homme, ont fait apparaître les caractères physiques qu’on tient aujourd’hui comme critères de beauté. Par conséquent, «si [Irene Elia] a raison», suggère The Economist, «la beauté du visage cesse d’être une caractéristique arbitraire et devient un indicateur fiable de comportement désirable»: elle permettrait donc de refléter nos qualités sociales, de trahir notre capacité (ou notre incapacité si on est moche) à faire confiance ou à aimer son prochain.

Une conclusion au potentiel quelque peu effarant: dans un article titré «Doit-on juger les gens sur leur apparence?», le New Stateman, qui met en parallèle l’étude du docteur Elia avec une autre, publiée en 2010, fondée sur la déduction de traits de caractère à partir de visages féminins, redoute le retour de la phrénologie:

«[Le docteur Elia] relève 33 études qui suggèrent que les personnes attirantes ont tendance à être plus amicales, socialement plus aptes, et plus intelligentes. Y a-t-il un terrible secret caché derrière la beauté, et sommes-nous en train de le découvrir? (...) Faut-il se fier aux apparences? Le coeur dit non, mais la science dit oui, peut-être, si on sait comment faire.»

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