On pouvait penser que la position inflexible du gouvernement et l’engagement réitéré de François Hollande sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en France avait définitivement enterré ce débat. Au moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle.
C’était compter sans une institution qui prend rarement le pouvoir à contre-pied. L’Académie des sciences vient en effet de rendre public un avis qui prend fait et cause pour une exploration du sous-sol français en vue d’en évaluer les ressources en gaz de schiste. Une prise de position courageuse, tant la pression écologiste est forte dans ce domaine.
Outre la minimisation des risques habituellement évoqués pour condamner cette nouvelle source d’énergie non renouvelable (pollution de l’eau souterraine, fuites de méthane dans l’atmosphère, tremblements de terre...), l’Académie avance une solution qui aurait le mérite d’être compatible avec la loi actuelle qui interdit le recours à la fameuse fracturation hydraulique, qu’il s’agisse d’exploration ou d’exploitation.
Le Comité de prospective en énergie (CPE) de l’Académie des sciences propose en effet une exploration des ressources françaises à l’aide de simples forages verticaux et horizontaux. Cette technique permettait de «procéder à des tests en vraie grandeur dans des conditions respectant la réglementation en vigueur», précisent les auteurs de l’avis. Pour cela, il faudrait forer dans d’anciens bassins miniers où il existe des zones déjà fracturées lors de l’exploitation du charbon et où «la matière organique est abondante et propre à générer d’importantes quantités de gaz».
Le contournement de l’obstacle réglementaire est habile, mais il ne devrait pas convaincre les adversaires de l’exploration. Ces derniers considèrent en effet qu’explorer conduit à exploiter si les résultats sont positifs. Une position renforcée par le code minier actuel qui lie exploration et droit à exploiter.
En fait, l’avis de l’Académie des sciences dépasse le cadre de la seule exploration. Sans minimiser les risques associés à l’exploitation des gaz de schistes, les membres du CPE soulignent qu’ils sont tous maîtrisables. Et que la France dispose des technologies et des laboratoires de recherche capables de prendre en charge un tel contrôle.
L’intérêt de ce nouveau document dans l’épais dossier du gaz de schiste réside essentiellement dans sa tentative de remettre un peu de rationalité dans un débat dominé par le dogmatisme écologiste. L’Académie plaide pour un éventuel recours à cette ressource dans le cadre d’un effacement des irrégularités de fonctionnement des sources renouvelables comme le solaire et l’éolien. Elle souligne également que la combustion du méthane produit moins de CO2 et de polluants comme les particules que le charbon.
Michel Alberganti