Dans l’évolution, les chiens domestiques se sont différenciés des loups il y a environ 32.000 années. Et depuis, ils se sont mis à voler des sandwichs, fouiller dans les ordures et renifler nos fesses. Une nouvelle étude venue de Hongrie montre que nous pourrions être capables de renvoyer les bêtes dans les pattes des robots, si seulement les machines avaient une apparence vaguement humaine.
Mais ne vous méprenez pas: j’aime ces deux boules de poils que ma femme appelle des chiens, mais je regarde aussi vers un avenir où un robot dégagerait leurs jouets de dessous le canapé et couperait lui-même leurs médicaments en quatre. (Avez-vous déjà découpé en quatre un médicament qui fait la moitié de la taille d’un TicTac? C’est exaspérant).
Soyons bien clairs, les soins robotisés pour chiens n’étaient pas l’objet de la recherche publiée dans le numéro de Cognition Animale du mois de septembre. Les chercheurs hongrois ont voulu savoir si les chiens répondaient aux signaux émis par des robots si cela permettait de trouver de la nourriture –dans ce cas précis, un petit morceau de saucisse de Frankfort. En outre, ils ont émis l’hypothèse que les chiens répondraient mieux à un robot humanoïde «sociable», qu’à un robot se comportant comme une machine.
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont fait l’expérience avec un PeopleBot, qui ressemblait grossièrement à un ordinateur portable avec des bras. Dans un premier groupe, l’ordinateur était très «sociable», c’est-à-dire qu’il communiquait avec le propriétaire du chien avec une voix féminine et lui serrait la main.
Comme de précédentes études ont montré que les animaux sont capables d’interagir en triade, où d’écouter derrière les portes, les chercheurs ont supposé que les chiens pourraient apprendre en observant leur maître interagir avec l’étrange engin. (Interagir en triade, cela signifie, pour ma femme et moi, énoncer clairement «A-L-L-E-R» et «D-E-H-O-R-S» en présence de nos cabots.) A l’inverse, le robot asocial attirait l’attention du chien avec des bips, et lorsque son maître tendait le bras pour serrer la main, le robot l’ignorait –ce qui devait être gênant pour les cobayes.
Après cette première étape d’interaction, les chiens regardaient le robot exécuter la phase de guidage, dans laquelle il appelait un chien par son nom (ou par un bip) et le dirigeait vers deux bols, et plus précisément vers celui dans lequel se cachait une saucisse. Si le chien choisissait le bon bol, il pouvait manger la friandise. S’il se trompait, son maître était invité à lui montrer l’autre bol, mais sans l’autoriser à le manger. (Note pour les chiens qui attendent avec impatience leur nouveau seigneur robot: aucune insubordination ne sera récompensée).
Donc, les chiots ont-ils appris à faire confiance au PeopleBot? Et bien, un peu. Trois chiens sur vingt l’ont fait avec une régularité qui laisse peu de place au hasard, lorsqu’ils étaient placés avec un robot «sociable».
Ces résultats peuvent sembler dérisoires, mais, précisément, aucun chien ne parvenait à comprendre les indications du robot «asocial» –ce qui indique que le comportement d’un robot peut avoir un effet sur son interaction avec un chien.
En comparaison, l’expérience a également été menée avec un homme qui imitait les mimiques d’un robot, en pivotant uniquement le bras droit. (Il y a comme une sorte de mise en abyme ici, non?) L’homme agissait de façon «sociable» dans les deux cas, probablement parce que les chiens ont déjà intégré que les hommes sont «sociables». Apparemment, les chiens sont déjà bien conscients de notre potentiel à les guider vers la nourriture, puisque les chercheurs ont enregistré 53 essais fructueux sur 74 dans ces conditions. (Cette conclusion semble corroborer une étude concurrente, qui conclut que seuls 50% de mes loulous comprennent le guidage.)
L’étude a également constaté que les chiens passent plus de temps à regarder leur maître lors d’interaction avec un robot.
Pour en revenir à l’interaction en triade, il semble que les chiens étudient leurs humains pour obtenir des indices sur la machine et, sans doute, sur la localisation des précieuses saucisses. (Malheureusement, l’étude n’a pas enquêté sur l’efficacité d’une autre technique populaire de dressage de chiens: le sarcasme.)
Les chiens peuvent même se révéler de précieux atouts, sans parti pris, pour les ingénieurs en robotique, parce que les animaux n’ont pas les préjugés culturels que reproduisent les hommes dans les études. Peut-être que, à l’avenir, les chats se montreront tout aussi prometteurs dans l’interaction avec les robots. Une chose est sûre, c’est qu’ils ne veulent pas avoir affaire à nous.
Jason Bittel
Traduit par Caroline Piquet