Après avoir fait miroiter les projets d’expédition d’hommes sur Mars ou, même, d’installation d’une base habitée permanente sur la Lune, la Nasa se contente de lancer une sonde vers notre satellite, Ladee. Lancée le 6 septembre, elle doit atteindre la Lune dans 30 jours. Une fois en orbite, il lui faudra alors un mois pour vérifier et ajuster les instruments qu’elle utilisera pendant 100 jours. Sa mission : analyser l’atmosphère de la Lune et étudier les mouvements de la poussière à sa surface...
Passionnant ? Pas vraiment. Sans doute parce que la Nasa nous a mal habitués. Depuis le «petit pas» de Neil Armstrong sur la Lune jusqu’aux robots qui sillonnent la surface de Mars, en passant par les nombreuses sondes qui parcourent le système solaire et tentent même d’en franchir les limites avec Voyager, la « conquête » spatiale a nourri les rêves d’une génération. « Atteindre de nouveaux sommets et révéler l’inconnu afin de ce que nous faisons et apprenons bénéficie à toute l’humanité ». La vision officielle de la Nasa semble aujourd’hui dater d’un autre âge.

La sonde Ladde survolant la surface de la Lune - Vue d'artiste - Nasa
La mission Ladee est le symptôme d’une utopie sur le déclin. Elle faisait partie du programme Constellation lancé en 2004 par Georges W Bush dont l’objectif était de réaliser des séjours de longue durée d’ici 2020. En étudiant l’atmosphère et la poussière, la sonde devait préparer le retour de l’homme sur la Lune dont il n’a plus foulé le sol depuis Apollo 17, en 1972... En 2009, Constellation affichait un retard important et la crise économique battait son plein. Certains plaident en faveur de mission habitées vers Mars à la place d’un retour sur la Lune. Résultat, en octobre 2010, Barack Obama décide de mettre fin au programme Constellation. Ladee a échappé à l’annulation malgré la disparition de son objectif. Tout un symbole.
On peut même se demander pourquoi la Nasa doit dépenser aujourd’hui 250 millions de dollars pour étudier son atmosphère et sa poussière (1). Il aurait sans doute été plus facile de réaliser certaines mesure du temps d’Apollo... Même si Ladee collecte des données sur l’ensemble de la surface de la Lune, à quoi serviront-elle?
L’atmosphère lunaire, 100.000 fois moins dense que sur Terre, devrait contenir des traces d’eau pouvant expliquer la glace présente aux pôles de la Lune. C’est un instrument de la Nasa embarqué sur un vaisseau spatial indien, Chandrayaan-1, qui a d’abord permis de découvrir cette présence d’eau sous la surface de la Lune en 2008. En s’écrasant à sa surface en septembre 2009, les 2,3 tonnes de la sonde Lcross ont permis de confirmer qu’il existe bien de l’eau lunaire, sans doute en grande quantité. A l’époque, la Nasa jubilait. La découverte confortait le programme Constellation. Il serait peut-être possible de boire l’eau locale lors des séjours de l’homme sur la Lune.
Aujourd’hui, les astronautes restent confinés à 400 km de la terre, dans une Station spatiale internationale (ISS) qui n’intéresse plus personne depuis longtemps. Le rover Curiosity n’a toujours pas trouvé de trace de vie ancienne sur Mars. Et les projets les plus ambitieux, souvent les plus coûteux, ont de plus en plus de mal à passer l’épreuve du Congrès américain. Ainsi, l’opération de capture d’un astéroïde reste sur la sellette. La crise économique et l’absence d’enjeux politiques impérieux plombent l’exploration spatiale.
En 2014, la budget de la Nasa devrait baisser nettement, passant de 17,9 milliards de dollars en 2013 à 17,7 milliards de dollars. En 2010, il avait atteint un sommet avec 18,7 milliards de dollars, soit 0,52% du budget fédéral des Etats-Unis. Une part identique à celle de... 1960. En 1966, la Nasa disposait de 4,4% du budget fédéral. Cette part a baissé régulièrement jusqu’à atteindre 0,76% en 1987 avant de remonter au environ de 1% au début des années 1990, puis se baisser à nouveau jusqu’à aujourd’hui. En 2012, elle n’était déjà plus que de 0,48%.
Peu à peu, la Nasa perd les moyens de ses ambitions. Les perspectives de missions habitées sur Mars et même sur la Lune n’en deviennent que plus floues. Les efforts de communication, comme la retransmission du lancement de Ladee sur un écran géant Toshiba installé à Time Square, ou la création d’un profil Instagram pour la diffusion de ses images ne font guère illusion. Faute de moyens financiers, l’espace peine de plus en plus à nous faire rêver.
M.A.
(1) Dans une version précédente de ce billet, nous écrivions que la Lune était une planète. Le fautif, qui était un peu dans perché dans l'espace, sera envoyé sur Pluton réviser son petit précis d'astronomie. Avec nos excuses.