En Chine, les chiffres ont tendance au gigantisme. La pollution aussi. Les auteurs d’une étude publiée par les PNAS américaines ont trouvé un moyen spectaculaire pour souligner l’impact de la pollution de l’air sur les habitants du nord de la Chine. En multipliant la réduction de la durée de vie enregistrée par la population concernée, ils obtiennent une perte de 2,5 milliards d’années de vie. Un mode de calcul original qui montre le désastre sanitaire d’une décision de politique locale.
La source du phénomène remonte aux années 1950-1980, période de planification centralisée. Le gouvernement chinois décide alors de fournir une provision gratuite de charbon destinée aux chaudières des habitations et des bureaux. Une sorte de droit fondamental au chauffage. Néanmoins, afin de limiter le coût de la mesure, ce droit n’a concerné que les régions situées au nord de la Chine et délimitées par la rivière Huai et la chaîne de montagne Qinling. Les chercheurs notent que ce type de chauffage reste, aujourd’hui encore, plus utilisé dans le nord que dans le sud.
Cette partition de la Chine offre, sur une longue période, une situation idéale pour mesurer l’impact sur la santé humaine de la pollution de l’air par les suies émises par la combustion du charbon. Le taux de particules en suspension dans l’air a atteint 184 microgrammes par m3 dans le nord, soit une valeur supérieure de 55% à celle du sud. Et ce sont les 500 millions de personnes résidant au nord de la rivière Huai qui ont été exposées à cet excédent de pollution.

Le partage nord-sud de la Chine utilisé par l'étude, en vert, les points de surveillance des maladies - Source: Yuyu Chen
Au cours des années 1990, les chercheurs ont enregistré une espérance de vie inférieure de 5,5 années dans le nord en raison de la mortalité engendrée par les affections cardiaques et respiratoires. Ainsi, cette population a, par rapport à celle du sud, été privée d’un total de plus de 2,5 milliards d’années de vie... Même en Chine, ce chiffre paraîtra pour le moins considérable.
Au-delà du cas de la Chine, l’intérêt de l’étude porte également sur l’impact d’une élévation du taux de particules dans l’atmosphère. D’après les chercheurs, une augmentation de 100 microgrammes par m3 induit une réduction de l’espérance de vie à la naissance de 3 ans. Une valeur qui devrait intéresser toutes les autorités sanitaires.
Néanmoins, la limite de l'étude, c'est... le charbon. Grâce à la mesure qui distingue le sud du nord, les chercheurs ont pu isoler l'effet des particules issues du chauffage. Mais ils n'ont pas les mêmes possibilités de discrimination pour les autres polluants atmosphériques provenant des usines, en particulier. L'impact sanitaire total de la pollution atmosphérique sur la population chinoise pourrait donc être nettement supérieur.
Il est notable qu’en France, si le charbon n'est plus guère utilisé, la combustion du bois dans les cheminées reste un facteur important de pollution atmosphérique, même dans la région parisienne. Si l’on ajoute les particules émises par les moteurs, diesel en particulier, l’impact sanitaire est estimé à 40.000 morts prématurées en France et à 400.000 en Europe. Mais personne ne semble avoir calculé le nombre d’années de vie perdues correspondant.
M.A.