En mars, les autorités américaines ont bloqué une demi-tonne de mimolette dans un entrepôt du New Jersey, à cause du trop grand nombre d’acariens microscopiques ayant élu domicile sur la croûte, bestioles qui pourtant font partie du processus de fabrication et affinent délicatement le fromage orange.
Le taux de présence de ces organismes, présumées allergènes, serait supérieur aux taux autorisés. En avril, quelques dizaines d’amateurs avait manifesté à New York contre ce blocage des autorités sanitaires, habillés en orange et distribuant des petits cubes de fromage.
Depuis, la Food and Drug Administration (chargée de la sécurité alimentaire) bloque les importations de «mimolette vieille», en arguant que ce produit «semble être composé d’une substance malpropre, putride ou en décomposition, et paraît impropre à la consommation».
L’entreprise normande Isigny Sainte-Mère, premier producteur de mimolette, envisage de détruire le fromage bloqué à la frontière. Et Guillaume Garot, le ministre délégué à l’Agroalimentaire, propose à l'avenir de «décroûter» en partie la mimolette vieille destinée à l'exportation, pour l’aseptiser un peu et l'adapter aux «barrières sanitaires». Donc, pas de grand soutien politique aux petits acariens du fromage orange...
Ceux qui portent dans leur cœur la «boule de Lille» se mobilisent quand même, grâce à un comité de soutien très actif sur les réseaux sociaux. L’opération «Save the mimolette» se propage sur Internet, aux Etats-Unis et en France.
Ce n’est pas la première «crise» gastronomico-diplomatique entre la France et les Etats-Unis. D'autres épisodes ont entraîné de vastes soutiens et campagnes de communications en tous genres.
Le Roquefort, grosse campagne de communication
En janvier 2009, quelques jours avant que George W. Bush ne quitte ses fonctions, les Etats-Unis annoncaient que les droits de douane pour le roquefort allaient tripler, dans le cadre d’une série de sanctions commerciales en réprésailles à la poursuite de l’interdiction par Bruxelles du bœuf aux hormones américain. Ce qui signifiait une taxe à 300%, puisqu’elle était déjà montée à 100% en 1999 (ce qui fut une des causes du démontages du McDo de Millau). Les producteurs ont alors décidé de cesser cette exportation.
La Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels du roquefort avaient lancé une vaste campagne de communication, baptisée «J’aime le roquefort», pour défendre l'image de leur produit.
Dans la presse, on pouvait ainsi tomber sur des pages intitulées «Imaginez un monde sans Roquefort», avec notamment un drapeau français sans la partie rouge:
Comme pour la mimolette, des photos et vidéos d’amateurs en plein dégustation avaient été postées sur Facebook ou Youtube.
Ceci dit, le fin mot de l’histoire est arrivé en mai 2009. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont finalement trouvé un accord: l'UE acceptera d'importer plus de boeuf américain, non traité aux hormones, et les Etats-Unis ne mettront pas en application cette taxe de 300%.
Le foie gras, soutenu par les politiques comme un «fleuron» du patrimoine
Depuis 2012, le foie gras est interdit en Californie. Après avoir laissé 7 ans aux producteurs pour trouver une alternative au gavage, la loi est entrée en vigueur. Dans les faits, cela n’a pas changé grand-chose puisque l’exportation vers la Californie a été quasi nulle en 2011 à cause des barrières douanières et sanitaires.
Mais les producteurs se sont largement mobilisés contre le «préjudice d’image» occasionné, puisque la simple commercialisation en Californie est passible d’amende. D’autant plus qu’en parallèle, des élus européens disent vouloir interdire la production et la vente de foie gras dans l’UE.
Le président du conseil général du Gers, Philippe Martin, avait demandé aux restaurateurs et cavistes d’arrêter de vendre des vins de Californie. Le gouvernement a quant à lui assuré son soutien à ce «fleuron du patrimoine français» et souhaite mener «une bataille de conviction politique, économique et culturelle».
La région Aquitaine a aussi défendu son «ambassadeur», notamment avec une campagne mise en place avec la région Midi-Pyrénées, dont l'un des sloggans était:
«Dans le sud-ouest, comme au Far west, l’innovation est une tradition.»
La filière a même conclu un partenariat avec Air France pour mettre le foie gras au menu de ses vols vers les Etats-Unis, et sorti une campagne de communication à la radio.
En Californie, des défenseurs du foie gras ont porté l’affaire devant la justice, affirmant que la décision était anticonstitutionnelle et contraire aux lois du libre commerce. Ce fut un échec, mais ils comptent faire appel.
Ces histoires sont donc allées beaucoup plus loin que Save the mimolette, en terme de judiciarisation et de communication.
Pour le moment, pas de fronde des producteurs, ni grande campagne de communication à la radio ou dans la presse pour défendre un fromage jugé en partie «putride» par les Etats-unis, ce qui n'est quand même pas très flatteur en terme d'image...
Le roquefort et le foie gras ne représentent pas du tout les mêmes volumes de production. Et surtout, ces deux «fleurons» sont sans doute plus symboliques de la culture gastronomique française que la mimolette vieille.