Il est si difficile d’imaginer à quoi nous ressemblerons dans le futur que les tentatives pour le faire semblent largement condamnées au ridicule.
Quand elles tentent d’éviter la pure science-fiction, ou le délire, elles nous imaginent pratiquement inchangés, dans 20.000, 60.000 et même 100.000 ans. A la largeur du front et à la taille démesurée des yeux près.
C’est ce que montre la prédiction de l’artiste Nickolay Lamm publiée sur le site What’s Hot et reprise par Forbes. Quelle déception! Si l’on y croyait une seconde, il y aurait de quoi se désespérer de l’évolution.

Le portrait de l'homme d'aujourd'hui - Image : Nikolay Lamm
Si nous nous tournons vers le passé, 100.000 ans nous plonge dans en plein Paléolithique moyen. C’est encore le règne de l’homme de Néandertal, avec son front fuyant, ses arcades sourcilières simiesques mais un cerveau volumineux. Dans la branche de l’Homo Sapiens, l’homme de Cro-Magnon qui nous ressemble beaucoup plus date de moins de 50.000 ans. L’histoire moderne, elle, commence 3.300 ans avant J.C. Il n’y a donc que 5.300 ans. Il apparaît donc que l’homme actuel a profondément évolué au cours des 100.000 dernières années. Et cette évolution s’accélère depuis les deux derniers siècles avec les progrès de l’hygiène, de l’alimentation et de la médecine. La croissance rapide de la durée de vie, même si elle n’est pas suivie par celle de la santé, témoigne d’un bouleversement accéléré des modes de vie, du savoir scientifique et des perfectionnements technologiques.

L'homme dans 20.000 ans - Image: Nikolay Lamm
Nickolay Lamm a pris la précaution de «collaborer» avec un scientifique, Alan Kwan, docteur en génomique computationnelle de l’université de Washington. Ce dernier lui a parlé de l’ingénierie génétique capable, dans le futur, de contrôler l’évolution de l’être humain. Nickolay Lamm affirme que les images qu’il produit sont les «visions» d’Alan Kwan.
Il semble que l’intéressé ne soit guère d’accord avec ce scénario. Sur le site de Forbes, le chroniqueur scientifique Matthew Herper a répondu à l’article de sa collègue Parmy Olson, spécialiste des «agitateurs et les innovateurs dans le mobile», par un papier intitulé: «Non, ce n’est pas ce à quoi pourrait ressembler l’homme dans 100.000 ans».
Matthew Herper note d’abord qu’il n’a rien trouvé rien sur un scientifique portant le nom d’Alan Kwan sur Google. Mauvais signe. Mais, finalement, c’est Alan Kwan lui-même qui a trouvé l’article de Matthew Herper et qui a réagi (lire son message à la fin de l’article). S’il admet avoir discuté avec Nickolay Lamm, il considère n’avoir exprimé que des spéculations et, en aucun cas, des prédictions scientifiques. Néanmoins, il défend son opinion d’une évolution relativement limitée au cours des 100.000 prochaines années.
«Mon expérience m’a convaincu que tandis que la science et la technologie peuvent avancer à un rythme accéléré, les normes juridiques, sociales et culturelles tempèreront inévitablement cette vitesse, comme elles l’on fait dans le passé.»

L'homme dans 60.000 ans - Image : Nikolay Lamm
Ainsi donc, les grandes révolutions seraient limitées au remplacement des Google Glass par des lentilles de communication, à un front plus large, des proportions du visage conformes au nombre d’or, des arcades sourcilières plus prononcées et un système de transfert de données par les os, logé au dessus de l’oreille, assurant la liaison avec les lentilles... Bon. Pas de quoi être désespéré par le destin qui nous privera fatalement tous de connaître une telle évolution. Et une nouvelle leçon pour les amateurs de projection futuriste qui oublient la sentence d’Einstein: «La distinction entre le passé, le présent, le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle.»
M.A.