Boire & manger / Life

La vraie recette de la salade niçoise

Temps de lecture : 4 min

Vous pensez savoir faire la salade niçoise? Vous y mettez du maïs? Du hareng? De la mayonnaise? Cet article est fait pour vous.

Salade niçoise / cyclonebill/ via FlickrCC License by
Salade niçoise / cyclonebill/ via FlickrCC License by

JS Grinneiser est un lecteur de Slate. Après la publication des «vraies recettes» des pâtes à la carbonara, des lasagnes, des spaghetti alla puttanesca et aussi du White Russian, il nous a proposé sa vraie recette de la salade niçoise. Et comme l'été va bien finir par arriver...

Si comme moi vous êtes originaires de la belle ville de Nice (ce que je vous souhaite), et amateur de cuisine bistro (ce que je vous souhaite moins en ce moment), vous avez dû passer par plusieurs étapes en regardant les recettes de salades prétendument niçoises affichées au menu des troquets. Amusement d’abord («tiens, des haricots verts»), puis interrogation («mais pourquoi des pommes de terre?»), consternation et dépit mêlé de rage enfin («du hareng fumé et de la mayonnaise? Sérieusement?»).

Ne le cachons pas: la salade niçoise a tellement été malmenée qu’elle est dans le langage familier devenue synonyme de «fourre-tout abracadabrantesque». Pourtant, on partait sur de bonnes bases.

Reprenons…

Avant de devenir une bourgade riante qui doit battre le record mondial de façades classées au patrimoine historique (*tousse*), Nice était bordée de marécages pas franchement faciles à cultiver et de terres ignorées par la pluie. On comprend alors que la cuisine locale devait se faire avec ce qui se trouvait dans le coin: courgettes, olives, tomates, oignons, poissons de Méditerranée... et pas grand-chose d’autre.

La salade niçoise commence donc son histoire en tant que «plat de pauvres», si j’en crois l’authentique recette affichée dans un petit restaurant du quartier de la Gare (de Nice, bien sûr). Pour paraphraser la bonne dame citée sur le mur dudit restaurant:

«Tomates, anchois, olives, et basta

On ne saurait faire plus simple, effectivement.

Mais le quartier de la Gare de Nice ne pouvant prétendre à représenter tout Nice, il faut demander à «ceux qui savent»[1] pour trouver un vague compromis au niveau de la recette. Vous allez voir que cela se gâte déjà...

Les ingrédients qui recueillent l’unanimité du jury

  • tomates,
  • œufs durs,
  • cébettes (aussi appelés oignons frais, oignons blancs...),
  • olives noires de Nice (et spécialement de Nice, pas les gros machins qu’on vous sert à l’apéro hors de chez nous),
  • basilic frais (pas du basilic citronné),
  • filets d’anchois et/ou miettes de thon[2] (les avis divergent sur la complémentarité)

Frotter l’assiette avec une gousse d’ail, assaisonner avec de l’huile d’olive et du sel… et c’est tout. Vous voyez que c’est simple! Des ingrédients du coin, et pas de chichis. Concernant l’huile d’olive, on conseille généralement de la prendre bien ronde en bouche et charnue, et pas trop «piquante» ni acide, afin de bien accompagner les ingrédients.

Les ingrédients qui peuvent passer, mais Méfi!, pas tous en même temps

  • févettes,
  • concombre,
  • poivron rouge,
  • corne de bœuf (sorte de poivron vert allongé),
  • radis (les petits rouges et blancs, pas les gros tout ronds),
  • mesclun,
  • artichauts violets crus,
  • cœur de céleri,
  • oignon rouge

Pour l’assaisonnement, on tolérera le vinaigre de vin et le poivre, mais c’est tout. Encore une fois, il s’agit d’ingrédients locaux, et on les utilisera suivant la saison.

Les ingrédients qui ne passent pas

(Sous peine de voir le Niçois se transformer)

  • légumes cuit ou féculents (riz, pomme de terre, haricot vert, maïs...),
  • poissons pas de chez nous (hareng, etc.),
  • condiments chelous (mayonnaise...).

On reste logique: pas d’ingrédients qui viennent de trop loin, qui coûtent trop cher, et surtout, pas d’éléments qui viennent ruiner la qualité du plat. Désolé, mais à moins d’être un Top Chef, vos légumes bouillis vont certainement dégorger dans le plat, voire s’y déliter, et donner à votre riante salade un aspect de marécage peu ragoûtant. Très peu pour moi.

Mais allons donc, pourquoi tant de haine me direz-vous? Après tout, la cuisine est faite pour évoluer, et on peut imaginer faire des entorses à la tradition de temps en temps.

Certes.

On doit cependant concéder à la salade niçoise une vérité: rarement on aura réussi à donner autant de qualité à une recette de salade. Déjà, elle est bien équilibrée au niveau nutritionnel, avec son poisson et ses légumes, et peut se suffire à elle-même. De plus, ses vertus esthétiques et culinaires sont indéniables. Du vert, du rouge, du blanc, du jaune... un feu d’artifice dans l’assiette! Et pour le palais, quelle fête! Ça craque, ça croque, c’est sucré et acide, salé, doux, amer, c’est moelleux... Au final, une bonne salade niçoise, c’est tout ce qu’il faut à table.

Voilà pourquoi les Niçois peuvent se montrer bougons lorsqu’ils voient des recettes de «niçoise» étranges. Parce que nous avons tous en mémoire le pan bagnat[3] de notre enfance, dévoré sur le bord de mer, qui sentait bon l’huile d’olive et l’ail, qui explosait sous nos dents en une kyrielle de saveurs. Et que vous nous servez du hareng et des patates à l’eau. Pas étonnant qu’on réclame notre indépendance, tiens!

Avant de vous laisser, je vais vous proposer ma propre recette de salade niçoise, que j’appellerai par défaut «du quartier de l’avenue des Fleurs», d’où je viens, parce que chaque quartier a bien droit à sa recette. Je me fonde sur des expériences personnelles, des choix pratiques au niveau de la découpe (un quartier de tomate est moins agréable sous la dent qu’une rondelle, et à l’inverse une rondelle d’œuf a tendance à se déliter) et des goûts personnels. D’où certains choix que les puristes pourront contester. Mais qu’ils contestent tant qu’ils veulent, comme on dit à la maison:

«M’en bati, sieu nissart.[4]»

Recette de «ma » salade niçoise, par personne :

  • 1 lit de mesclun bien frais,
  • 1 belle tomate ronde, coupée en rondelles,
  • 1 œuf coupé en quartiers,
  • ½ oignon rouge coupé en rondelles très fines,
  • ½ boîte de thon à l’huile d’olive,
  • 4 petits filets d’anchois à l’huile
  • ½ corne de bœuf en rondelles (bien enlever les pépins),
  • 1/3 de poivron rouge en rondelles (idem)

Assaisonnement: mélanger dans un petit verre 2/3 d’huile d’olive pour 1/3 de vinaigre (vinaigre balsamique 5 ans d’âge minimum, sinon du vinaigre de vin, tant pis pour vous). Bien saler, poivrer à l’envi.

Si vous êtes sages, la prochaine fois nous parlerons de petits farcis niçois. SANS RIZ!

JS Grinneiser

[1] Sources: Le Cercle de la Capelina d’Or et La bonne cuisine du comté de Nice, par Jacques Médecin. Retourner à l'article

[2] On le rappelle, le thon se pêche –on se demande pour combien de temps encore– aussi en Méditerranée. Retourner à l'article

[3] Recette du pan bagnat: prendre un pain rond, le couper en deux, bien arroser d’huile d’olive (voire de vinaigre), déposer une salade niçoise à l’intérieur, manger. Exclamer: «Hum, que c’est bon!» Retouner à l'article

[4] Toi aussi apprends à chercher une traduction sur Internet, non mais! Retourner à l'article

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