Le Wall Street Journal rapporte que Facebook «travaille sur l'incorporation des hashtags» à ses services. Facebook n'a pas confirmé la nouvelle: un porte-parole m'a simplement dit, «nous ne commentons pas les rumeurs ou les spéculations». Je ne partage pas cette politique, donc supposons, pour les besoins de cet article, que la rumeur soit vraie. Si c'est le cas, alors beaucoup de gens vont arriver et dire que Facebook est stupide et complètement dépassé. Personne n'aime les hashtags, pas vrai?
Vrai. Mais là où vous voyez des hashtags, Facebook voit des dollars. Comme beaucoup des expériences menées par Facebook et des transformations de son site, l'idée des hashtags sonne maladroite pour l'utilisateur, mais plutôt ingénieuse si vous la considérez d'un point de vue commercial.
Le WSJ ne propose à ce jour qu'une brève analyse: «En intégrant les hashtags, Facebook sera capable d'indexer rapidement les conversations afin qu'elles puissent se développer à partir d'un sujet, comme sur Twitter», expliquent Evelyn M. Rusli et Shira Ovide. «Ce qui donnera aux utilisateurs une raison supplémentaire de rester connecté et donc de voir plus de publicité.»
Ce n'est pas tout à fait juste. Le but n'est pas que les utilisateurs voient plus de publicités, le but est de leur montrer des annonces plus efficaces. Et, comme pour tout ce que Facebook fait, l'objectif est de collecter des données de plus en plus précises sur ses utilisateurs.
Du point de vue des utilisateurs, des hashtags sur Facebook sont potentiellement utiles, mais loin d'être la solution idéale. Pour l'instant, le site ne propose aucun moyen de trier les messages par sujet, ce qui semble être un problème si le site veut devenir le «meilleur journal personnalisé».
La vraie question est: pourquoi Facebook voudrait y parvenir en volant ce qui est très probablement la fonction la plus ennuyante de Twitter, son rival qui grandit si vite? Les hashtags étaient autrefois essentiels au service de micro-blogging, mais j'utilise Twitter durant des heures tous les jours et je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai cliqué sur un hashtag. En ce moment, l'utilisation non ironique des hashtags sur Twitter vous désigne soit comme novice, soit comme «gourou des médias sociaux», soit comme auteur pour une émission de télé de merde.
La raison du déclin du hashtag? Twitter a trouvé une idée encore meilleure: un outil de recherche simple à utiliser. La décision de Facebook de polluer son propre service avec le hashtag –qui n'est qu'une resucée d'IRC– suggère que son Graph Search n'est pas prêt pour une utilisation généralisée. Essayez de chercher «Pope» («pape») et il vous propose «Popeye». Jouez selon les règles de Graph Search en tapant «statuts sur le pape» et il vous indiquera que Graph Search ne permet pas encore ce genre de recherche.
Cela s'explique pour plusieurs raisons. Facebook est encore bien plus gros que Twitter, ses messages sont plus longs et plus compliqués, et beaucoup de ses utilisateurs ont configuré leurs paramètres de sécurité afin que leurs statuts soient inaccessibles au public. De plus, d'un point de vue commercial, les publicitaires adorent la possibilité que Twitter leur offre de cibler les gens qui cherchent tel sujet en vogue avec une publicité opportune et pertinente. Or les utilisateurs ont tendance à trouver moins flippant de voir des publicités ciblées lorsqu'ils cherchent des informations sur un sujet précis que lorsqu'ils fouinent sur le profil Facebook de leur ex.
Ce qui nous amène aux données. Les hashtags –comme Graph Search, Emoji, la dernière refonte de la Timeline et tout ce que Facebook fait d'autre– sont simplement une nouvelle manière de faire dire aux utilisateurs ce qu'ils aiment, ce qu'ils font, ce qui les intéresse et ce qu'ils cherchent à un moment donné. Et à cet égard, les hashtags pourraient même être supérieurs à un bon outil de recherche, car ils obligent les utilisateurs à structurer leurs propres données. Je m'explique.
Lorsque vous écrivez un statut Facebook aujourd'hui, il est susceptible de contenir toutes sortes d'informations qui pourraient être utiles à Facebook, mais il est probable que ce statut soit difficile à catégoriser, même pour un algorithme bien perfectionné. Par exemple, lorsque mes vieux amis d'enfance regardent un match de football, ils vont poster un statut qui dit seulement «oh non!», et je saurai qu'ils parlent de l'interception que notre quarterback vient juste de louper.
Mais Facebook ne comprendra pas. Mais s'ils postent le même statut en y ajoutant un hashtag, Facebook comprendra qu'ils sont fans de Buckeye, et pourra transmettre cette information aux annonceurs. Et pour ces annonceurs, le site peut également analyser combien de fans de Buckeye postent au sujet des matchs chaque samedi, quels événements du jeu provoquent la plus grande vague de statuts postés, et plus encore.
Si Facebook copie les hashtags de Twitter, ce n'est pas parce qu'ils sont «emblématiques», pour reprendre les termes du WSJ. C'est parce qu'ils sont une mine d'or.
Will Oremus
Traduit par Célésia Barry