C'est la question de prime abord assez stupide à laquelle essaie de répondre la journaliste Swantje Dake dans l'hebdomadaire allemand Stern. Chaque nouvelle épreuve des JO apporte en effet son lot d'images toutes semblables, où des athlètes brillants de sueur, immortalisés en gros plan au firmament de la joie, plantent allègrement leurs dents dans leur récompense en métal précieux. On croirait presque qu'ils s'assurent qu'ils n'ont pas été trompés sur la marchandise, voire qu'il ne s'agit pas tout compte fait d'une médaille en chocolat...
«Si ça se trouve c'est l'incrédulité face à ce qui vient d'être accompli. […] Pour rendre ça plus tangible, on mord la médaille qui vient d'être remise et on a ainsi la confirmation que oui, elle est là, c'est vraiment vrai»», avance la journaliste.
Ce sujet n'a pour l'instant pas encore donné lieu à des recherches scientifiques. La psychologue hambourgeoise Uta Karschnik voit dans ce geste une façon de prendre conscience de ce que l'on vient de vivre:
«Les sportifs ont travaillé quatre ans pour ce moment. La morsure indique que l'énorme stress a été évacué, que les efforts réalisés valaient le coup».
Au-delà de cette analyse, le coup de dent dans la médaille semble surtout être devenu une mode plébiscitée par les photographes sportifs, qui le réclament de façon quasi-systématique aux athlètes qu'ils shootent au faîte de leur gloire. Une sorte de figure imposée, cousine germaine des poses attendues des vedettes du cinéma avant la montée des marches. L’ex décathlète allemand Frank Busemann, qui avait remporté la médaille d'argent lors des JO d'Atlanta en 1996, raconte:
«Les photographes ont exigé que je morde. J'étais complètement dépassé par le fait d'avoir reçu une médaille et je trouvais qu'elle était déjà très jolie suspendue à mon cou. Mais avec cette photo, les photographes ont la couleur de la médaille et le visage sur la même image. L'expression de joie pure, ce serait plutôt quand on fait tournoyer et sauter la médaille autour de soi en la tenant par le ruban.»
La plupart des athlètes ne mordent toutefois pas leur médaille pour de vrai, car cela laisserait des traces. Celle de Busemann a ainsi gardé la marque de ses dents :
«Tous ceux qui la voient pensent que je l'ai mordue très fort.»