«Au-delà d’un simple match», le «derby de la dette», un match «pas comme les autres», un «symbole»… Les titreurs du monde entier n’attendaient que cela, une confrontation entre l’Allemagne et la Grèce en quart de finale de l’Euro de football dans un contexte de crise de la dette européenne dont les deux pays sont, chacun à leur manière, les deux principaux acteurs.
La Grèce, criblée de dettes et menacée d’exclusion de la zone euro par l’Allemagne, tient une opportunité en or de se venger de son plus gros créancier en l’éliminant de l’Euro de foot. «Amenez-nous Merkel» titrait un quotidien sportif local dès le lendemain de la qualification de la Grèce face à la Russie.
Mais il n'y a pas que dans le domaine économique que les deux pays jouent dans des divisions différentes. Ce match est avant tout une opposition a priori totalement déséquilibrée entre l’une des meilleures équipes du monde et une petite nation du foot européen qui a connu son heure de gloire à l’Euro 2004 en remportant une des victoires la plus inattendue de l’histoire de la compétition.
14 victoires consécutives
Les statistiques montrent l’étendue de la tâche qui attend les Grecs ce soir: les Hellènes n’ont jamais battu l’Allemagne en huit confrontations (3 nuls, 5 défaites). La Nationalmannschaft, que tout bon fan de foot a placée au moins en finale dans ses pronostics d’avant-tournoi avec les collègues, fait figure de monstre de régularité: triple championne du monde, elle a gagné ses 14 derniers matchs en compétition, dont tous ses matchs de qualification, et a atteint les demi-finales des trois derniers tournois majeurs (Mondial 2006 et 2010, euro 2008). Avec son mélange de jeunes joueurs talentueux (Özil, Kroos, Götze, Neuer...) et de joueurs d'expérience aux palmarès bien remplis (Klose, Lahm, Schweinsteiger), difficile de lui trouver des points faibles.
De l’autre côté, la Grèce est sans doute une des équipes avec le moins de potentiel offensif de la compétition. Avec seulement trois buts marqués en trois matchs, elle est avec la France l’équipe la moins prolifique au moment d’aborder les quarts de finale. Sa victoire en 2004 avait été celle de l’ennui sur le beau jeu, et le style de la sélection nationale n’a pas vraiment changé: cette année, elle est l’équipe qui a tenté le moins de tirs de la phase de groupe avec seulement 22 frappes, soit une toutes les 12 minutes, dont 5 cadrées.
Humilité, organisation...
En 15 matchs de phase finale de l’Euro, elle n’a marqué qu’une fois plus d’un but, en match d’ouverture face au Portugal en 2004 (2-1). Et le 5-5-1 ultra-défensif concocté par Fernando Santos ne risque pas de faire changer les choses. Le sélectionneur portugais de la Grèce, surnommé «l’ingénieur», estime d’ailleurs que son équipe a les mêmes qualités que celle qui a remporté le trophée en 2004: «passion, détermination, humilité, organisation». Tout un programme.
Comme l’a souligné Arsène Wenger et son légendaire bon sens alsacien, «cet Euro aura récompensé les pays qui souffrent énormément économiquement». La Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie, les quatre pays les plus touchés par la crise européenne, sont tous présents en quarts de finale. Seule manque à l’appel l’Irlande, piteusement éliminée au premier après trois défaites et neuf buts encaissés dans le groupe C.
Pour le match de ce soir, joueurs et entraîneurs des deux camps ont essayé de minimiser la portée politique et symbolique. Mais quoiqu’il se passe à Gdansk sous les yeux d’Angela Merkel et d’Antonis Samaras, le match ne pourra pas se soustraire totalement au poids de l’Histoire avec un grand H, celle où le Grec Socrate marque tandis que les Allemands Hegel, Kant et Marx tentent de raisonner l’arbitre, chacun à sa manière.
Grégoire Fleurot
Statistiques fournies par Opta