Les Etats-Unis compteront près de deux millions de diplômés supplémentaires cette année. ABC News se demande combien parmi ces jeunes étudiants regretteront le passage par l'université, en particulier les frais engagés pour obtenir le précieux sésame. Car les quatre années passées à étudier et à faire la fête coûtent cher. En moyenne, les étudiants américains sortent de l'université avec une dette de 26.000 dollars (soit environ 20.000 euros), lit-on sur le New York Times dans une tribune de l'économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz. C'est 40% de plus qu'il y a sept ans.
Les plus endettés vont jusqu'à demander des prêts de 100.000 dollars (77.000 euros), bien au-delà de leur capacité de remboursement. Derrière des montants faramineux se cache une inégalité profonde de la société américaine. Selon Stiglitz, cette crise est intimement liée à celle des subprimes, qui a déclenché la tourmente financière en 2008.
«Les banquiers encouragent les gens à emprunter plus qu'ils ne devraient, en ciblant en particulier les classes populaires.»
L'économiste pense que la dette insolvable des étudiants est la prochaine crise à venir, et qu'elle «émerge avant même que la précédente ne soit résolue».
L'année derniere, la totalité des dettes étudiantes a atteint le montant record d'un milliard de dollars. Pourtant, les jeunes Américains ne semblent pas penser que le sacrifice est démesuré, d'après un sondage commandé par ABC News. La devise serait même «Ne t'inquiète pas, tu paieras plus tard».
«Presque un quart des adultes entre 35 et 49 ans sont d'accord pour dire qu'une dette étudiante entre 20.000 et 50.000 dollars est trop importante (...). Les jeunes qui ont l'âge d'être à l'université, entre 18 et 24 ans, ne sont pas d'accord avec leurs aînés et seulement 16% estiment que sortir de l'université avec une dette si importante est démesuré. Parmi les jeunes diplômés, 22% pensent que que les étudiants "doivent emprunter autant qu'ils ont besoin" et "qu'aucun montant n'est trop élevé".»
La raison? Un marché du travail bouché où la non-possession d'un diplôme est lourde de conséquences. En moyenne, un diplômé gagnera 12.000 dollars de plus qu'un non-diplômé chaque année. Et la situation ne va pas en s'améliorant: le fossé entre diplômés et non-diplômés a triplé depuis 1980.
Les universités ont leur part de responsabilité dans cette inflation des dettes étudiantes, selon The Atlantic. Dans un souci de prestige et de réputation, le principe serait même de financer les étudiants aisés afin qu'ils viennent rejoindre l'université et de laisser peser le poids du financement des étudiants les plus pauvres sur l'Etat fédéfal. C'est en tout cas ce qu'affirme un rapport de la New American Foundation, publié la semaine dernière.
«Beaucoup d'universités jouent apparemment un "tour de passe-passe assez élaboré", en s'appuyant sur les bourses de l'Etat pour couvrir les frais des étudiants les plus en difficulté tout en utilisant leurs propres fonds pour distribuer des aides aux étudiants les plus riches.»
Pour les familles les moins favorisées, le sacrifice est énorme:
«On demande systématiquement à des familles à bas revenus de sacrifier la moitité de leurs revenus annuels pour avoir le privilège d'envoyer pendant un an leur enfant dans une université.»