Winston Churchill était connu pour son ouverture d’esprit envers toute idée farfelue qui pouvait aider la Grande-Bretagne et ses alliés à gagner la Seconde Guerre mondiale. Les Alliés ont ainsi employé des méthodes telles que parachuter du papier d’aluminium pour brouiller les radars ennemis, développer des mini-sous-marins ou construire des ports temporaires (les mulberries).
Mais le site io9 décrit dans un long article passionnant l’un de ses plans les plus fous, qui est resté largement inconnu du grand public: construire des porte-avions géants composés de glace, un élément qui ne peut couler par définition, pour contrer les sous-marins allemands qui coulaient les navires marchants alliés à un rythme effréné en 1942 au milieu de l’Atlantique, là où les avions alliés anti-sous-marins ne pouvaient aller.
C’est pourquoi, lorsque Lord Louis Mountbatten, son chef des Opérations combinées, lui présenta le «pykrete», une matière inventée par le scientifique Geoffrey Pyke faite d’un mélange de glace et de pulpe de bois qui décuple la résistance de la glace en la rendant plus forte que le béton, dévie les balles de pistolet tirées à bout portant et fond bien plus lentement que la glace, le Premier ministre prêta une oreille attentive, et écrivit dans sa lettre de validation de l’opération «Habakkuk»:
«J’apporte la plus grande importance à l’examen de cette idée. Les avantages d’une ou de plusieurs îles flottantes, même utilisées simplement comme aires de ravitaillement pour les avions, sont si éclatants qu’ils ne méritent pas à ce stade d’être discutés.»
Le projet, qui est notamment documenté dans un article du Evening Standrad de 1951, sur le site du Royal Naval Museum britannique et dans le livre The Last Lion: Winston Spencer Churchill: Defender of the Realm, 1940-1965, pouvait alors être lancé.
Il prévoyait la construction d’une flotte entière de navires de 600 mètres de long, composés entre autres de blocs de 10 mètres de pykrete et pouvant porter plus de 300 appareils chacun. Après avoir trouvé l’équilibre optimal pour le nouveau matériau (86% de glace et 14% de pulpe de bois), le projet a été délocalisé au Lac Patricia au Canada, où un modèle réduit fût construit en 1943.
C’est avec ce premier test que des problèmes de taille sont apparus, au premier lieu desquels la fonte plus rapide que prévue du pykrete, qui nécessitait donc un système de refroidissement complexe qui aurait transformé le H.M.S. Habakkuk en frigidaire géant, et un coût de construction bien plus élevé que prévu.
Avec les progrès militaires des Alliés en 1944, et notamment dans la bataille de l’Atlantique, le projet fût définitivement arrêté. Le modèle construit sur le lac Patricia fondit l’été suivant, mais des restes furent retrouvés et étudiés dans les années 1970. Aujourd’hui, une plaque commémore l’opération Habakkuk sur les bords du lac.