Le «rappel au règlement» est la star du débat sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe qui se tient depuis le 29 janvier.
Cette astuce, régie par l'article 58 du Règlement de l'Assemblée nationale permet aux députés de prendre la parole pendant deux minutes de façon prioritaire sur la question principale et suspend la discussion. Elle leur est accordée «soit sur-le-champ soit à la fin de l’intervention de l’orateur» précise le site de l'Assemblée nationale.
Cette technique est à peu près la seule qui reste aux députés pour manier «l'art de la flibuste parlementaire», comme le relève Le Monde.
En effet, «au fil du temps les moyens dont dispose l'opposition pour épuiser la patience du gouvernement et de sa majorité se sont considérablement réduits. Les "flibustiers" d'aujourd'hui apparaissent bien inoffensifs au regard des orateurs d'antan, susceptibles de tenir le micro plusieurs heures d'affilée». Pour gagner du temps, les membres de l'opposition doivent donc apprendre à manier l'art du rappel au règlement.
Un art dans lequel excelle Hervé Mariton depuis le début du débat à l'Assemblée sur le projet de mariage pour tous mais à qui, notamment Claude Bartolone, le président de l'Assemblée, reproche de faire un usage détourné du rappel au règlement. Un détournement qui n'est pas exceptionnel, puisque la fiche consacrée au rappel au règlement sur le site de l'Assemblée souligne cet usage:
«Dans la pratique, les rappels au Règlement sont souvent utilisés pour évoquer un événement sans lien évident avec la discussion en cours ou pour retarder une discussion. Ils peuvent alors s’apparenter à une tentative d’obstruction. Il s’agit d’un droit des députés que les Présidents doivent gérer avec doigté.
Dans le cadre de la procédure du temps législatif programmé, qui repose sur l’attribution globale d’un temps de parole maximum à chacun des groupes politiques, le temps consacré aux rappels au règlement est décompté dès lors que le Président considère qu’ils n’ont manifestement aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance.»
Exemple avec Hervé Mariton, donc, lors de la séance publique du 1er février:
«M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1.
Nous devons mesurer la gravité et l’impact de nos propos. Oui, madame, ce qui se dit ici peut perturber la vie de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’ai entendu hier plusieurs personnes témoigner que leur vie est plus difficile depuis que le Gouvernement a lancé ce débat, depuis que ce projet provoque des divisions qui ont été voulues! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Luc Belot. Ce n’est pas un rappel au règlement!
M. le président. Monsieur Mariton, cela rejoint ce que je disais tout à l’heure: vous répondez à un orateur et ce rappel au règlement n’a donc rien à voir avec la séance. Je ne l’accepterai plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. Il y a des règles!»