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La gauche américaine mène-t-elle une guerre contre la science?

Temps de lecture : 2 min

Arracheuses de plants de tournesol OGM près de Lyon, en 2011. REUTERS/Robert Pratta
Arracheuses de plants de tournesol OGM près de Lyon, en 2011. REUTERS/Robert Pratta

Dans son ouvrage publié aux Etats-Unis en 2006, The Republican war on Science («La guerre des conservateurs contre la science»), Chris Mooney expliquait comment l’administration Bush était influencée par des théories qui ignoraient totalement le consensus de la communauté scientifique sur des sujets comme la recherche sur les cellules souches, le changement climatique, l’éducation sexuelle ou la pollution au mercure... Une «pseudoscience», entièrement façonnée par des idéologues au mépris des réalités scientifiques, se développe ainsi aux Etats-Unis et prospère dans les milieux conservateurs, comme en témoigne le succès du créationnisme, la théorie selon laquelle Dieu a créé la Terre et l'homme en six jours il y a 10.000 ans.

Mais «croyez-le ou pas –et je me doute que la majorité des lecteurs ne le croiront pas– mais il existe une guerre de gauche à la science», écrit à son tour Michael Shermer dans la revue Scientific American, détournant le fameux titre de Mooney dans un article intitulé «The Liberals’ war on science» («La guerre des progressistes contre la science»).

Certes, les Américains progressistes sont beaucoup moins nombreux que les conservateurs à penser que le réchauffement climatique est un mythe et que Dieu a créé l’homme sous sa forme actuelle, au mépris des théories de l’évolution darwinienne, mais l’idéologie mène aussi le camp adverse à s’écarter de la science.

Shermer parle ainsi des «créationnistes cognitifs» pour qualifier le mouvement, marqué à gauche, qui adhère à la théorie de l’évolution dans le domaine du corps humain mais la refuse quand il s’agit de la formation du cerveau.

«La croyance en un cerveau qui serait une tabula rasa, une forme vierge qui serait entièrement façonnée par l’environnement culturel, a été le mantra de la majorité des intellectuels libéraux, qui dans les années 1980 et 1990 ont mené une agression acharnée contre la psychologie évolutionniste à travers des groupes d’extrême gauche aux noms orwelliens comme “Science for the People” pour combattre l’idée, aujourd’hui non controversée, que les pensées et les comportements humains sont au moins partiellement le résultat de l’évolution passée...»

Sur des sujets politiques comme l’énergie et l’alimentation, les libéraux américains peuvent aussi adopter des réflexes peu scientifiques et rationnels, ce que l’auteur résume par la formule «tout ce qui est naturel est bon et tout ce qui est non naturel est mauvais».

«Essayez d’avoir une discussion avec un libéral progressiste sur les OGM, au cours de laquelle les termes “Monsato” et “profit” ne seraient pas balancés comme des sillogismes.»

Parmi les critiques de cet article, le site féministe Skepchick note que les pourfendeurs de la pyschologie évolutionniste dont parle l'auteur n’étaient certes pas tous des scientifiques, mais qu’ils comptaient dans leurs rangs des chercheurs qui étaient inquiets du fait que les véritables efforts scientifiques de cette discipline étaient contaminés par une tendance à la pseudoscience. Parmi eux, Steven Gould, biologiste de l’évolution et co-auteur de l’article «Against “Sociobiology”» (1975), qui critiquait frontalement et avec des arguments scientifiques, la tendance de la sociobiologie à voir d’une manière déterministe les comportements humains.

Les critiques du camp visé par l'article font aussi remarquer que le scepticisme des écologistes à propos des sources d'énergie procède plutôt d'une critique des multinationales et de la technoscience, que des découvertes scientifiques elles-mêmes.

Au-delà des polémiques, Michael Shermer constate que selon les études, conservateurs et progressistes modérés adhèrent à la science dans des proportions comparables, alors que les extrêmes ont tendance à la rejeter, que ce soit à droite sous une forme religieuse, ou à gauche sous une forme séculaire. C’est pourquoi les efforts pour promouvoir une approche scientifique des questions politiques devrait influencer les partis modérés des deux bords.

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