Quelques nouvelles de la controverse qui passe largement inaperçue du grand public, mais qui agite le monde des physiciens et, plus généralement, devrait passionner tout adolescent dépressif et adulte bien portant qui se demande pourquoi toutes les choses sont comme elles sont.
Pour expliquer le fonctionnement de l’univers, certains scientifiques sont séduits par l’analogie avec l’informatique: notre univers serait un ordinateur cosmique géant qui programmerait le futur à l'aide de codes, de 0 et de 1 et de petites balises.
Cela suppose que la manière dont nous, humains, résolvons les problèmes de physique est forcément la manière dont l’univers fonctionne, explique pour sa part le chercheur Ken Wharton de l’université de San Jose en Californie dans un article récent qui remet en cause cette hypothèse, et dont la MIT Technology Review présente une synthèse.
Plusieurs chercheurs très sérieux oeuvrent dans le domaine de la «digital physics», une niche qui considère que l’univers est composé d’informations et peut dès lors être issu d’une programmation.
En octobre 2012, une étude menée par le chercheur Silas Beane de l’université de Bonn est arrivée à la conclusion que l’espace pouvait être le fruit d’une simulation informatique, selon l’édition britannique du Huffington Post.
De son côté, le physicien James Gates Jr de l’université du Maryland, spécialisé dans la branche de la supersymétrie, soutient lui aussi cette hypothèse d’un code informatique rendant compte des lois de la physique, comme l’explique d’une manière très pédagogique le futuriste Nova Spivack sur son blog.
Gates travaille sur la théorie des cordes. Or il a découvert des codes de corrections d’erreurs, un type de code inventé par Claude Shannon dans les années 1940, et qui serait inclus dans la nature des choses, ce qui ne manque pas de créer un certain vertige métaphysique chez les non-initiés, comme en témoigne cette vidéo (il faudra passer outre la musique d'intro qui fait peur).
Rich Terrile, directeur du Center for Evolutionary Computation and Automated Design du prestigieux laboratoire Jet propulsion de la Nasa, soutient pour sa part une théorie analogue, selon laquelle notre environnement quotidien est déjà la simulation d’un grand architecte très doué en programmation informatique, comme Slate.fr l’a relaté récemment.
Terrile ne manque pas d'argument. Premièrement il y aura bientôt plus de personnes simulées dans les disques dur des 100 millions de Playstation que de vraies personnes sur Terre. Ensuite, on peut tout à fait simuler un monde peuplé d'individus qui pensent qu'ils sont conscients, pourvu que le programme ait prévu de le leur faire croire. Enfin, le monde est mathématisable donc aisément reproductible: «la chose la plus incompréhensible avec l’univers, c’est qu’il est compréhensible», rappelle-t-il en citant Einstein. Donc si c'est faisable... Alors c'est peut-être déjà fait.
Pour Wharton cependant, toute cette théorie du super-ordinateur repose avant tout sur notre anthropocentrisme.
L’idée, écrit la MIT Technology Review, a gagné du terrain dans la communauté scientifique sans que des idées alternatives soient sérieusement analysées, selon Ken Wharton. «Cette conjecture est tellement forte que de nombreux physiciens ne peuvent exprimer quel autre type d’univers serait conceptuellement possible», poursuit-il.
A l’appui de son hypothèse, il se fonde sur le principe de moindre action du mathématicien Joseph-Louis Lagrange, qui explique par exemple que la lumière se déplace d’un point à un autre selon le chemin le plus court. Et cela ne s’explique ni par un algorithme, ni par une relation de cause à effet de type informatique.
Est-ce pour autant plus rassurant? Pas forcément, car selon le chercheur, l'hypothèse «informatique» supposerait que l'univers sait où il va: or il semble que même le Grand tout ignore quels sont ses projets d'avenir...