Une loi actuellement en cours de préparation en Suède tend à interdire l’utilisation de bébés pour promouvoir le lait artificiel, ce qui entre dans la logique du gouvernement actuel de décourager les mères de préférer le lait en poudre à l’allaitement.
Si cette loi passait, les fabricants de lait en poudre n’auraient notamment pas non plus le droit d’utiliser des photos de bébés sur les emballages, afin de ne pas idéaliser le produit, ils devraient au contraire représenter sur les paquets le processus de préparation du lait; ils n’auraient plus le droit de suggérer que le lait artificiel est une bonne alternative à l’allaitement, l’offre d’échantillons gratuits serait également interdit et les publicités pour de tels produits ne pourraient par ailleurs être diffusés que dans les revues scientifiques et les publications dédiées au soin de l’enfant.
L’allaitement maternel est recommandé par l’Unicef et l’OMS (qui préconise l’allaitement exclusif pendant les six premiers mois de l’enfant). En 2006 (à la suite d’autres précédemment) une directive européenne voulait assurer (PDF) que le lait artificiel soit utilisé de façon pertinente et que son marketing ne trompe pas les consommateurs, la nouvelle loi suédoise s'en fait l'application.
C’est dans les pays scandinaves que le pourcentage de la population ayant recours à l’allaitement plutôt qu’au lait artificiel est le plus élevé en Europe (plus de 90% des femmes allaitent en Suède). Et cela s’explique notamment par la durée importante des congés maternels.
En France, la situation est toute autre. «Plus de deux tiers des nourrissons (69 %) sont allaités à la maternité (60 % de façon exclusive, et 9 % en association avec des formules lactées), mais ils ne sont plus que la moitié (54 %) à être allaités un mois plus tard, dont seulement 35 % de façon exclusive.» expliquait Le Monde dans un article de septembre dernier, ajoutant que le niveau social de la mère est déterminant dans son choix de l’allaitement:
«Les femmes de niveau d'études inférieur ou égal au baccalauréat allaitent moins que celles de niveau supérieur. L'écart varie de 62 % à 74 % à la naissance, et de 44 % à 62 % à un mois. Les taux d'allaitement sont aussi plus élevés chez les femmes nées à l'étranger. Ils varient également à la hausse selon que les femmes sont plus âgées, mariées, qu'elles n'ont pas fumé pendant la grossesse, ont suivi des cours de préparation à l'accouchement. L'allaitement est également favorisé si la mère a eu un contact peau à peau avec son bébé dans l'heure suivant l'accouchement, et surtout si le conjoint a une perception positive de la femme qui allaite.»
Les bénéfices sanitaires de l'allaitement maternel vont de la prévention des allergies et de certaines infections pour l’enfant, à des suites de couches facilitées pour les mères, avec un moindre risque d'infections et d'hémorragies du post-partum.
L’incitation très forte à allaiter peut néanmoins poser des problèmes aux femmes ne pouvant bénéficier d’un long congé maternité. En France par exemple, dans une situation classique, une femme dispose d’un congé maternité postnatal de dix semaines d’accouchement – ce qui est loin de permettre l’allaitement pendant les six mois suivant la naissance de l’enfant.
En 2010, Elizabeth Badinter expliquait dans une interview accordée au Monde que les très fortes incitations en faveur de l’allaitement, comme l’interdiction du don de lait en poudre, forçaient les femmes à payer ce lait et leur ôtait ainsi une part de liberté.
«Je me suis intéressée de près à toute la marche qui mène de 1980, où les femmes font absolument ce qu'elles veulent, à aujourd'hui, où l'objectif du ministère de la santé est, qu'en 2010, 70 % des femmes qui accouchent allaitent en maternité» déclarait alors la féministe.
«Grâce à cette politique de pression, de culpabilisation même, le nombre de femmes qui allaitent en clinique augmente de 2 % chaque année. A travers cette pratique qui pourrait paraître anodine, j'ai constaté un renversement de valeurs, quelque chose qui menaçait la liberté des femmes.»