Un père affublé d'une jupe pris en photo de dos dans la rue, donnant la main à son petit garçon lui-même vêtu d'une robe. Cette image un brin déroutante a fait le tour du web après que le père en question, Nils Pickert, 32 ans, journaliste de son état, a publié fin août un article sur son choix de porter des jupes sur le site du célèbre magazine féministe allemand Emma, le bras armé d'Alice Schwarzer, émule de Beauvoir et cofondatrice du MLF:
«Mon fils de cinq aime porter des robes. […] Oui, je suis un de ces pères qui essaient d'élever leurs enfants de façon égalitaire. Je ne suis pas un de ces papas académiciens qui parlent à tort et à travers d'égalité des sexes pendant leurs études et qui une fois qu'ils ont un enfant, retombent dans les confortables rôles clichés: il s'épanouit dans son travail, elle s'occupe du reste. Je fais ainsi partie d'une minorité, cela m'est apparu clairement entre-temps, qui se rend ridicule de temps à autre. Par conviction. En ce qui me concerne, cela a à voir avec le fait que je ne voulais pas dissuader mon fils de porter des robes et des jupes. Parce qu'en les portant il ne s'est pas fait d'amis à Berlin, il ne me restait, après mûre réflexion, qu'une possibilité: protéger mon petit gars et porter moi-même une jupe. En définitive je ne peux attendre de la part d'un enfant en bas-âge le même volontarisme qu'un adulte. Ce sans aucun modèle. Je suis donc devenu le modèle.»
Le choix altruiste et courageux de ce père allemand n'a pas tardé à mettre en émoi la presse et la blogosphère, qui ont largement repris la photo et cet article en forme de profession de foi. Traduit en anglais, son témoignage a trouvé une audience mondiale, repris sur des sites anglais, italiens, américains et chinois. Comme le note le Spiegel, qui y consacre un article:
«Celui qui tape «Nils Pickert» sur Google trouve encore et toujours cette photo, sur tous les types de sites possibles. C'est devenu un phénomène internet.»
Nils Pickert s'est d'ailleurs retrouvé bombardé de mails et de coup de fils de personnes le soutenant ou l'accusant «d'encourager un comportement antisocial temporaire». Étant donné qu'il travaille comme journaliste indépendant, il a profité de cette soudaine popularité pour placer quelques piges, comme on dit dans le jargon. Il a entre autres écrit un article pour la version américaine du Huffington Post, dans lequel il revient sur ce phénomène et explique son choix plus en détail:
«Je dois confesser que je n'aime pas particulièrement porter des jupes ou des robes. Je suis comme une mère qui joue au football alors qu'elle n'aime pas le sport –mais qui aime ses enfants.»
Quand ses camarades se moquent de lui à la maternelle, le petit garçon leur répond désormais, comme l'explique son père: «C'est parce que vous n'avez pas le courage de porter des jupes et des robes, parce que vos pères eux non plus n'ont pas le courage.» Et toc.