Économie

Le «oui, mais» du Tribunal constitutionnel fédéral allemand au plan de sauvetage de l'euro

Temps de lecture : 3 min

Photo: Euros. Images_of_Money via Flickr CC License by.
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Le Bundesverfassungsgericht a dit «ja»: le Tribunal constitutionnel fédéral allemand de Karlsruhe a autorisé, mercredi 12 septembre, l’adoption par Berlin du Mécanisme européen de stabilité adopté par l’UE en juin dernier. Un «guter Tag», un bon jour, selon l'expression de la chancelière Angela Merkel.

Comme le rapporte l’AFP, «les huit juges suprêmes ont donné leur feu vert au président allemand Joachim Gauck pour signer les textes de loi sur le futur fonds de secours MES et le Pacte de stabilité», déjà votés par les deux chambres du Parlement, le Bundestag et le Bundesrat, et ont jugé que leur adoption était «en grande partie en conformité avec l'exigence constitutionnelle que la souveraineté budgétaire demeure entre les mains du Bundestag».

Ils ont cependant exigé, toujours selon l’AFP, «que toute hausse de la participation financière allemande au capital du MES soit soumise à un vote positif du Parlement à Berlin». Ce «oui, mais» était l’issue la plus attendue, et c'est au «aber», au «mais», que la presse allemande s'intéresse surtout. Dans un billet intitulé «Ja, aber. Aber ja», publié dans le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung, le journaliste et juriste Heribert Prantl s'agace de la faiblesse de ce jugement qui a tenu l'Europe en haleine pendant des semaines :

«Ce jugement esquive les questions les plus importantes. Il se veut être une décision qui fera jurisprudence, mais a peur des principes fondamentaux. Il s'agit, comme c'est monnaie courante au Tribunal constitutionnel fédéral dès qu'il s'agit de l'Europe, d'un jugement "Oui, mais". Mais le "oui" de ce jugement est cette fois-ci aussi faible que son "mais". Il s'agit d'un jugement "Mais oui" gémissant.»

Comme le fait remarquer le quotidien Die Welt, cette décision ressemble à toutes les autres qui ont été prises ces quatre dernières décennies:

«Les huit juges s'inscrivent dans la tradition de la jurisprudence du Tribunal constitutionnel fédéral depuis 1974. En résumé, on peut la décrire ainsi: Karlsruhe a toujours dit "oui" à plus d'intégration européenne, mais tout en ajoutant régulièrement un "mais".

Dans le jugement dit de Maastricht, en 1993, il a par exemple été décidé que le transfert de compétences vers l'Union européenne, en écho à l'union économique et monétaire, était compatible avec la Loi fondamentale. Mais le tribunal formula une condition importante: les compétences et les tâches "d'un poids majeur" doivent être conservées par le Bundestag et la légitimation de l'UE doit s'effectuer auprès de chaque parlement national.

C'est sur cette ligne que sont ensuite restés le jugement du Traité de Lisbonne, les décisions concernant l'aide à la Grèce et la participation du Bundestag au financement du Fonds européen de stabilité financière.»

Heribert Prantl estime d'ailleurs que cette décision n'aura certainement aucun impact sur les affaires européennes:

«Les juges essayent de limiter la participation financière de l'Allemagne à 190 milliards d'euros, bien qu'ils sachent que ça ne fonctionnera guère. […] Parce que le plafond de Karlsruhe ne convient pas à la Banque centrale européenne. Mais les juges ont exclu la problématique de la BCE, ils l'ont esquivée, ils l'ont ajournée –jusqu'au jugement, qui à un moment donné va se perdre dans une procédure juridique. Jusque-là, la Banque centrale européenne fait ce qu'elle veut; et peut-être que c'est mieux ainsi, parce que le Tribunal constitutionnel fédéral ne sait finalement pas ce qu'il veut. C'est un pèlerin qui erre dans les affaires européennes sans connaître son but

En tant que première puissance économique européenne, l'Allemagne paye le plus lourd tribut au plan de sauvetage: elle supporte à elle seule 27% du fonds de 700 milliards d'euros qui doit être mis à disposition des pays les plus endettés de l'UE.

Comme nous le rappelions mardi, le tribunal de Karlsruhe avait été saisi par plus de 37.000 Allemands réunis au sein du groupe de pression «Europa braucht mehr Demokratie» («L'Europe a besoin de plus de démocratie»), ainsi que par le parti d'extrême gauche Die Linke et Peter Gauweiler, un député au Bundestag membre de la CSU (branche bavaroise plus conservatrice de la CDU, le parti d'Angela Merkel).

Comme l'expliquait l'hebdomadaire Die Zeit, les plaignants dénonçaient le fait que «l'Allemagne, par le bais de sa participation au MES (Mécanisme européen de stabilité), prenne des risques illimités et irréversibles, parce que le contrat n'est pas résiliable. Celui-ci mettrait à mal l'autonomie du Parlement en tant que pilier fondamental de la démocratie et le priverait de ses compétences nationales».

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