Le capitalisme fait-il le bonheur de l'homme (américain)? A l'approche de l'élection présidentielle qui aura lieu en novembre prochain, les éditorialistes s'affrontent autour de cette question... Dans le Wall Street Journal, les supporters du candidat républicain et ancien dirigeant du fonds d’investissement Bain Capital, Mitt Romney, veulent redonner au capitalisme américain ses lettres de noblesse. A l’image du libertarien Charles Murray, grand pourfendeur de l’Etat providence et membre du think tank néoconservateur American Enterprise institute.
«Le capitalisme a sorti le monde de la pauvreté parce qu’il donne aux gens la chance de devenir riche en créant de la valeur et en en récupérant les bénéfices. Quel meilleur président pourrait-on choisir pour la plus grande nation capitaliste qu’un homme qui est devenu riche en étant un brillant capitaliste?»
Mitt Romney, bien sûr. Et pourtant, écrit Murray, le capitalisme n’a plus vraiment la cote ces derniers temps. La faute à la «collusion» entre les dirigeants et l’Etat, dont les réglementations et les subventions nuisent à la libre entreprise. Mais surtout à l’image du capitalisme financier dans l’opinion.
«Les Américains ont toujours applaudi ceux qui sont devenus riches en créant des produits et des services que les gens voulaient acheter. C’est pourquoi Thomas Edison et Henry Ford étaient des héros américains cent ans plus tôt, de même que Steve Jobs quand il est mort l’année dernière.»
Or ce n’est plus le cas pour les géants de la finance, accusés de s’enrichir rapidement sans créer d’utilité publique, l’opinion ne voyant pas les bienfaits de cette forme de capitalisme, regrette l’éditorialiste. Pire, écrit Murray, les capitalistes sont désormais des gens de gauche, surtout dans les secteurs les plus visibles comme la high-tech, le divertissement et les médias, qui ne sont pas à l'aise avec l’idée du capitalisme ou ne se sentent pas proches de son idéologie.
On est loin, regrette Murray, de l’esprit du capitalisme des origines, quand les enfants apprenaient des histoires dans lesquelles l’initiative, l’effort et l’intégrité personnelle étaient des vertus, de même que l’étaient la modération et le souci de ceux qui dépendent de nous.
«Liberté d’agir et obligation morale de le faire étaient ainsi deux faces de la même pièce américaine.»
Le meilleur du mode de vie américain vient du capitalisme, dont l’objectif est «la poursuite du bonheur». C’est pourquoi il faut le laisser faire au maximum sans entraver son fonctionnement.
«Toute intervention qui érige des barrières à la création d’une entreprise, rendant élevé le coût de l’embauche ou du licenciement des employés, restreint les entrées aux marchés, prescrit les conditions de travail, ou confisque les profits interfère avec la liberté économique et rend plus difficile le succès à la fois des employeurs et des employés.»
Sauf qu’un Etat n’est pas une entreprise, objecte dans le New York Times l’économiste —et prix Nobel 2008— Paul Krugman à propos de la candidature de Romney. Et Barack Obama l’a, estime-t-il, bien résumé dans une interview donnée à CBS en juillet:
«Si vous êtes à la tête d’un fonds d’investissement ou d'un hedge fund, votre job c’est de gagner de l’argent, pas de créer des emplois. Ce n’est même pas de créer une activité qui ait du succès –mais de vous assurer que vous maximisez les bénéfices de votre investisseur […] Cela ne vous qualifie pas nécessairement pour envisager l’économie comme un ensemble, car en tant que président, mon travail est de me soucier des travailleurs, des communautés où les emplois ont été détruits.»