La tuerie d’Aurora relance le débat sur le port d’armes aux Etats-Unis. Dans une chronique pour Wired, l’écrivain David Dobbs pense qu’il est incohérent de s’étonner de tels drames lorsqu’on encourage une société d’hyper-violence, notamment à travers ses films, véritable exposition d’armes et de meurtres.
C’est justement à ce papier qu’a souhaité répondre Evan Selinger, professeur de philosophie à l’Institut de Technologie de Rochester, dans un article pour The Atlantic.
D’après lui, condamner les armes est illogique. Un pistolet n’a en soit aucun pouvoir décisionnaire. Contrairement aux personnes, les armes ne peuvent pas réfléchir sur leurs éventuels actes réphréhensibles ou être réhabilitées. C’est la personne qui le tient au bout du bras qui fait preuve de morale et qui choisit d’appuyer sur la détente.
La maxime de la National Rifle Association est justement: «Guns don't kill people. People kill people» («Les armes ne tuent pas les gens. Les gens tuent les gens»). Selon le philosophe, il faut donc condamner les personnes incapables de se contrôler.
Là où la NRA a tort, selon lui, c’est qu’une arme à feu changerait la personne qui la tient. Il explique qu’en technologie, les objets ont différentes utilités. Or un revolver ne sert qu’à une chose: tirer et toucher quelque chose à distance. Selon Don Ihde, philosophe spécialisé en technologies, tenir une arme rend audacieux, même «bouillant»: les hommes et les animaux deviennent des cibles.
Une personne physiquement faible, émotionnellement passive et psychologiquement introvertie sera encline à voir son comportement changer.
Il illustre son explication par quelques exemples simples: lors d’une promenade dans de grandes écoles comme Harvard, il est facile de se sentir plus intelligent, plus sérieux. De même, les musées et les lieux de cultes entraînent une réflexion momentanée, une certaine introspection.
Rappelons également qu'une personne tenant une arme aura tendance à penser que la personne en face d'elle en tient une également, ce qui pourrait avoir des conséquences tragiques.
Japon : le pays sans arme
Autre pays, autre culture. Le Japon a pris le parti opposé des Etats-Unis: vivre sans arme. Au pays du soleil levant, obtenir une arme relève de l’exploit. Comme l’explique The Atlantic, tirer un coup de feu dans son jardin équivaut à briser trois lois essentielles au Japon: tenir une arme, posséder des balles sans permis et tout simplement tirer une balle. La première loi seule est passible d’un à dix ans de prison.
La seule chose qu’il est possible d’obtenir est un fusil de chasse ou une carabine à air comprimé. Pour ça, vous devez assister à une journée de formation, passer un test écrit, réussir une épreuve de tir, aller à l’hôpital pour passer une évaluation psychologique et un test de dépistage de drogues pour le déposer ensuite à la police. Enfin, vos antécédents et votre casier judiciaire sont vérifiés rigoureusement.
Une fois tous ces test passés, vous pourrez éventuellement vous voir remettre un fusil de chasse ou une carabine à air comprimé, à condition qu’il soit enfermé dans un placard, séparé des munitions, que la police le vérifie tous les ans, et que vous repassiez un examen tous les trois ans.
Autrement dit, les Japonais ne connaissent pas les excès d’audace, l'arme à la main. Et même si les différences culturelles et historiques rendent difficiles les comparaisons entre les deux pays, les résultats sont là: selon The Atlantic, en 2008, les Etats-Unis ont connu plus de 12.000 homicides. Le Japon en a connu seulement 11, soit moins de tués que lors de la fusillade d'Aurora.
Autre chiffre édifiant: 587 Américains ont été tués par une arme à feu déchargée accidentellement.