On pourrait croire à une mauvaise blague, mais jeudi a eu lieu en Israël le premier concours de «Miss Shoah». Agées de 74 à 97 ans, 14 finalistes se sont affrontés sur un podium, raconte AP. Hava Hershkovitz, bientôt 79 ans, a été couronnée. Elle avait 8 ans quand elle a été expulsée de chez elle en Roumanie en 1941 et envoyée dans un camp soviétique où elle est restée trois années.
Ces 14 finalistes — sur les 300 candidates que le concours avait attiré— étaient «évaluées» par 4 juges. Trois étaient d’anciennes «reines de beauté», la quatrième une gériatre et psychiatre spécialisée dans le soin des survivants de la barbarie nazie. «Sacré cocktail», remarque le site féministe Jezebel.
Shimon Sabag, l'organisateur de l’événement, a expliqué que les finalistes étaient jugées non pas uniquement sur leur apparence physique — 10% des critères des juges assure-t-il— mais aussi sur leur histoires personnels dans les camps de concentration et les ghettos ainsi que sur leur contribution à leur communauté après la guerre.
A en croire les journalistes sur place, les finalistes se sont beaucoup amusées. En robe noire, maquillées, parées de boucles d’oreilles et de colliers, elles souriaient en s’avançant sur le tapis rouge, puis racontaient leurs calvaires et leurs souvenirs de la Seconde guerre mondiale, devant un public de 600 personnes dont deux ministres israéliens.
«J’ai l’immense honneur de montrer au monde entier qu’Hitler a voulu nous exterminer mais que nous sommes en vie, a expliqué Esther Libber, née il y a 74 ans en Pologne, cachée dans une forêt avant d’être recueillie, et qui a raconté être la seule survivante de sa famille. Nous sommes heureux d’être en vie».
Une célébration de la vie, voilà ce que les organisateurs avaient en tête. Mais tous en Israël ne sont pas du même avis. Dans un pays évidemment marqué par la Shoah, où vivent 200.000 rescapés des camps, «beaucoup trouvent que juger des personnes âgées qui ont été tant marquées par la souffrance n’est pas approprié, voire offensant», écrit AP.
«Je trouve ça macabre, estime de son côté Colette Avital, présidente d’un groupe d’aide aux survivants. Un concours de beauté ne va donner plus de sens à leur vie». «Pourquoi faire un concours de beauté pour montrer que ces personnes ont survécu et qu’elles sont courageuses?, se demande Lili Haber, la fille d’un rescapé des camps qui dirige une association d’aide aux survivants originaires de Pologne. Je trouve ça horrible».