Sur son bras, Harry Crews avait fait tatouer un vers du poète E.E. Cummings, s’adressant à la Mort: «How do you like your blue eyed boy, Mr. Death?». «Monsieur Crews est mort mecredi à 76 ans, et je parie que la Mort le trouve déjà bien turbulent», écrit Dwight Garner dans le New York Times, qui poursuit:
«Ses meilleurs livres alliaient comédie et indignation morale, qu’il mélangeait sur la page et y mettait le feu comme à de l'essence. Ses personnages arrogants avaient des personnalités démesurées. Lui aussi.»
Il y a quelques années, Martine Laval le décrivait dans Télérama:
«Un géant. Cassé. Couturé. Mal en point. Un gentil. Se prêtant aux questions. Portant sur ses épaules –dans ses membres, son corps– toute la misère de sa chienne de vie.»
Enfance difficile dans le Sud rural des Etats-Unis, en Géorgie (qu’il raconte dans Des Mules et des hommes, une enfance un lieu, en anglais A Childhood: The Biography of a Place), une santé qui ne lui prédisait pas de tenir jusqu’à ses 76 ans. Puis le corps des Marines et la révélation de la littérature. A l'issue de ses trois ans dans l'armée, il fera des études d'anglais, discipline qu'il enseignera jusqu'en 1997, tout en publiant des romans à partir de 1968.
Dans un autre article, Martine Laval expliquait en 2009 qu'Harry Crews était un «pur produit made in USA, l'incarnation vivante du “tout est possible”, un p'tit gars du Sud qui s'en est sorti, “un péquenot” devenu écrivain. Mais Harry Crews, c'est l'Amérique vécue côté poubelles: déglingues, bagarres, prison, paradis artificiels, blessures, rêves enterrés, ambitions hachées. Et puis, au bout de l'enfer, la rédemption et l'écriture». Il n'ira plus en enfer, c'est déjà fait.