Pas trop tôt! A l'occasion des 30 ans de la journée de la femme, le tabloïd allemand Bild a décidé d'abandonner une des recettes qui ont fait son succès ces 28 dernières années: la fameuse «fille de la Une», une rubrique dans laquelle plus de 5.000 anonymes ont enlevé le haut pour se retrouver en première page du quotidien.
Le journal le plus lu d'Allemagne, avec trois millions d'exemplaires vendus chaque jour, a préféré consacrer jeudi 10 mars sa Une au départ de la playmate plutôt qu'à celui de Christian Wulff, le président allemand déchu, dont la cérémonie de départ a été tournée en ridicule par un concert de sifflets et de vuvuzelas que la musique militaire peinait à couvrir.
«Il s'agit peut-être d'un petit pas du point de vue des femmes, mais d'un grand pas pour Bild et pour tous les hommes en Allemagne», écrit le quotidien. Mais que les lecteurs libidineux se rassurent: la «fille de la Une» déserte seulement la première page:
«Bild veut bien sûr rester sexy. Mais d'une façon plus moderne, mieux présentée dans les pages intérieures. Comme beaucoup de femmes – parmi lesquelles celles qui font partie du comité de lecture – l'ont toujours souhaité.»
Il faudra donc à l'avenir ouvrir le journal – et donc l'acheter – pour reluquer des factrices à quatre pattes et des caissières soupesant leurs seins. Joli coup marketing? «S'il vous plaît, chers confrères, arrêtez cette hypocrisie et écrivez à nouveau des articles sur les nichons et les pornos», demande la journaliste Lena Jakat dans un billet paru sur le Süddeutsche Zeitung, qui ironise:
«Vous pensiez que pour encourager l'égalité des chances entre hommes et femmes, il fallait un débat sur le quota de femmes, la garde des enfants et la flexibilisation des horaires de travail? A quoi bon? Nous le savons désormais grâce au plus grand quotidien allemand en termes de diffusion. À l'occasion de la journée internationale de la femme, le Bild s'attèle à toute cette problématique. Avec pour conclusion qu'en fait tout cela n'est pas si compliqué.»
Bild a également fait parler de lui pendant la journée de la femme, en faisant un «Bild sans femmes»: le rédacteur en chef, Kai Diekmann a demandé à ses quelque 300 employées de «rester à la maison» ce jour-là. «C'était peut-être la conférence de rédaction la moins créative de tous les temps», a-t-il estimé.
Seule Inès Pohl, la rédactrice en chef du quotidien de gauche Taz, ennemi historique du tabloïd, s'est permise de ne pas respecter cette interdiction en faisant une visite-surprise à la rédaction concurrente, distante de quelques mètres seulement, pour apporter du café aux garçons.