La musique pop a-t-elle perdu son côté gay? C'est en tout cas ce que suggère Alexis Petridis du Guardian, qui revient sur la relation entre culture gay et musique pop.
Au Royaume-Uni, la relation entre rock et culture gay commence avec le premier manager ouvertement gay de l'ère pré-Beatles, Larry Parnes. En parlant de Beatles, leur manager Brian Epstein était également gay (selon un biographe de Lennon, il aurait d'ailleurs entretenu une liaison avec John Lennon). Napier-Bell (manager du glorieux groupe Wham!, des Yardbirds et de Boney M) explique:
«A une époque où l'homosexualité était hors-la-loi, et où le seul moyen de la vivre au grand jour était de travailler dans le théâtre ou comme coiffeur, le management de groupes de pop offrait une nouvelle opportunité. Donc beaucoup de gays s'y sont mis.»
La carte de l'homosexualité a également été jouée par des managers pas forcément gays mais qui avaient flairé le coup commercial, à la manière d'Andrew Loog Oldham qui encourageait les Stones à développer cette qualité. Et c'est Ken Pitt, manager de David Bowie, qui l'aurait ecouragé à jouer sur son orientation sexuelle. En 1970, il s'arrange pour que Jeremy, seul magazine britannique gay de l'époque, publie un article sur lui. «Oui, bien sûr que je suis gay, et je l'ai toujours été», déclare Bowie dans MelodyMaker en 1972.
Dans une interview pour le magazine Mojo, Pete Townshend des Who expliquait la confusion des genres du début des années 1960 en Grande-Bretagne.
«La première manifestation de ça, c'était les gamins qui étaient nés en 1945 qui décidaient qu'ils voulaient entrer dans leur âge d'homme en utilisant un nouveau jeu de sémiotique.»
C'est avec l'avènement de David Bowie que l'influence de la culture gay sur le milieu du rock devient centrale, notamment sur le glam rock (T Rex, Roxy Music). «Au Royaume-Uni, entre les Beatles et le punk (à la fin des années 1970), la pop est devenue complètement gay», résumait Steven Wells du Guardian à l'occasion de la sortie d'une compilation «glam-rock» par la chaîne de cafés Starbucks.
Dans les années 1980, les Smiths de l'officiellement ambigü Morrissey et le groupe ouvertement pro-gay Bronski Beat (avec Jimmy Somerville). En 1993, même Nirvana, «qui n'étaient sans aucun doute pas homosexuels», chante «everyone is gay». Le journaliste rock Jon Savage, qui avait rencontré Nirvana en 1993, parle de «la position la plus pro-gay de la part d'un groupe de rock commercialement prospère».
Aujourd'hui, c'est principalement Lady Gaga qui devient ambassadrice de la culture gay auprès du grand public. D'après Alexis Petridis, c'est dans les années 1990 que la tendance s'inverse et que la pop perd «son côté gay», notamment avec l'avènement de la lad culture (typiquement, des gars de la classe moyenne, anti-féministes, égocentriques et une bière à la main) prônée par certains groupes de britpop et dont les membres d'Oasis pourraient être les représentants absolus. «On vit toujours dans une ère post-britpop, raconte le journaliste, dans laquelle le rock est prosaïque et "honnête" avant d'être glamour et imaginatif.» Quant à Napier-Bell, il propose une hypothèse plutôt optimiste:
«On ne voit pas vraiment d'influence gay dans le business de la musique aujourd'hui parce que les gays son acceptés, personne ne s'y intéresse. Les jeunes ont tellement conscience des questions gays qu'ils n'ont rien de neuf à y prendre. Les gays sont devenus normaux.»