Silvio Berlusconi se porte très bien. Le Cavaliere livre à The Atlantic sa première longue interview depuis qu’il a quitté le pouvoir. Incapable de rassembler une majorité parlementaire, cerné par les scandales judiciaires et les affaires de mœurs, l’ancien président du Conseil avait dû démissionner le 12 novembre 2011.
Mais Berlusconi est un «phœnix», rappelait alors le journaliste Uri Friedman de Slate.com. Même appelé à comparaître devant la justice en mars prochain pour un quatrième procès, il reste un homme politique qui a connu le succès et la défaite plus d’une fois, et dont il ne faut «pas vendre la peau» trop vite.
Philip Delves Broughton l’a rencontré au Palais Grazioli, ancienne demeure des Papes au XIXe siècle. Il le décrit comme «rebondissant, riant à ses propres blagues, raillant ses détracteurs et s’excusant à peine de la manière dont sa vie privée a mené l’Italie si bas». On se croirait revenu un an en arrière.
Silvio Berlusconi se montre pointilleux sur son passé. Interrogé sur sa carrière de businessman, il réplique: «Je n’étais pas un homme d’affaire, j’étais un entrepreneur.» Fondateur d’un empire médiatique, il est aujourd’hui la 118e fortune mondiale, estimée à 7,8 milliards de dollars selon le classement Forbes. Une réussite qu’il ne doit «qu’à lui-même», ajoute-t-il fièrement.
Son entrée en politique en 1993, il l’a choisie parce qu’il «le devait», dit-il, pour empêcher le Parti démocrate «issu du communisme» de prendre le pouvoir. Il bénéficie alors d’une énorme popularité. Mais après vingt ans de carrière, il dit ne pas apprécier la vie politique: «J’ai rencontré plus d’ingrats et de profiteurs en politique que dans va vie d’entrepreneur.»
Son regret: n’avoir jamais pu réunir une majorité absolue au parlement, ce qui l’a forcé à rechercher des alliances fragiles.
«C’est ma faute, et celle des Italiens. La mienne pour avoir été incapable de persuader 51% d’entre eux de voter pour moi, la leur pour avoir éparpillé leurs voix. Nous avons été castrés par ces alliances.»
Il restera en politique, explique-t-il, pour modifier la constitution afin qu’elle donne plus de pouvoir au Président du Conseil. Mais il n’essayera pas de revenir à ce poste. «Je vais rester au Peuple de la Liberté (parti de droite dont il est président) pour le soutenir, mais je serai plus comme un grand frère», dit-il. «Un tiers des Italiens m’aiment», assure Berlusconi, confiant, «ils disent que dans toute l’histoire de l’Italie il n’y a pas eu un homme politique capable de soulever les foules comme je l’ai fait».
Il affirme aussi avoir appris une leçon de Margaret Thatcher. «Vous lisez les journaux?», se serait étonnée la Dame de fer, avant d’expliquer qu’elle ne lisait «que les articles qui disent du bien du gouvernement». Aussitôt Berlusconi demande à son responsable presse de ne lui apporter que les articles élogieux. «Je ne l’ai pas vu pendant trois mois!», s’amuse-t-il.
Les journaux, Berlusconi ne les porte pas dans son cœur:
«Ils ne pouvaient pas m’attaquer sur mon honnêteté, une opportunité s’est présentée de créer une affaire avec une jeune fille de 18 ans à qui j’avais rendu visite pour son anniversaire. C’était complètement inventé, je n’ai l’ai jamais touchée comme ils l’ont écrit.»
Bunga-bunga, scandale du «Rubygate», autant d’épisodes qui restent dans les mémoires. «Je le comprends et je regrette profondément, affirme-t-il, mais je n’ai aucune raison de présenter des excuses.» Pourtant le septuagénaire ne peut s’empêcher de provoquer:
«La seule chose dont on ne m’a jamais accusé, c’est d’être gay. Soyons clair, je n’ai rien contre les homosexuels. Au contraire, j’ai toujours pensé que, plus il y a de gays autour de moi, moins il y a de compétition.»