Alors que la Floride va choisir son candidat républicain, le débat de l’élection présidentielle américaine se déplace… en Europe. Le Vieux continent fait parler de lui, mais est plus souvent érigé en contre-exemple qu’en modèle à suivre. Un article de la BBC tente de comprendre comment «Europe» est devenu un «gros mot» aux Etats-Unis.
«Obama veut nous transformer en un Etat providence de type européen, nous voulons nous assurer que nous resterons une terre de liberté.» Tout juste vainqueur de la primaire du New Hampshire du 10 janvier, le candidat républicain Mitt Romney attaque le président démocrate. Même stratégie chez son adversaire Newt Gringrich qui dénonce le «socialisme européen» de l’actuel occupant de la Maison Blanche.
Fini l’épisode de la «French Connection», un spot de campagne destiné à souligner les points communs entre Mitt Romney et John Kerry qui, horreur, parlent tous deux français. C’est désormais l’Europe dans son ensemble qui est mise en avant comme épouvantail.
Vu d’Europe, le trait semble un peu forcé. Mais selon le journaliste de la BBC, l’argument n’est pas si caricatural vu des Etats-Unis:
«La crise de la dette de la zone euro et la crainte de voir la Grèce, le Portugal, l’Espagne et les autres entraîner la fragile économie américaine avec eux, ont transformé "l’Europe" en un gros mot.»
Répéter qu’Obama met en œuvre une politique européenne pourrait donc s’avérer une stratégie payante pour les républicains, ajoute l’auteur, même si sa politique est bien loin du socialisme, selon Iain Murray, économiste de tendance libérale d’un think-thank de Washington:
«Il s’agit plutôt d’une social-démocratie à l’européenne: un gouvernement avec un Etat providence important. Les Américains l’appelle socialisme car ils ne comprennent pas vraiment ce qu’est le socialisme, ils ne l’ont jamais expérimenté. Ils ont expérimenté le progressisme, la différence est subtile mais réelle.»
«Il est absurde de disqualifier l’Europe», avertit cependant le New York Times. Oui l’Europe «vit au-dessus de ses moyens», admet le quotidien, citant Sylvie Kauffmann du Monde, mais il rappelle aussi que la protection sociale élevée des Etats européens permet à leurs habitants de tenir face aux «aléas de la vie, qui laissent parfois des familles sans abri aux Etats-Unis».
«Les Européens seraient bien surpris si on leur disait qu’ils vivaient dans un système socialiste», ironise un peu plus loin le quotidien américain. «S’il est une chose que nous avons vu lors de la crise européenne, c’est bien des gens qui votaient pour les partis conservateurs et pour l’austérité.»