Ingrate, l’Arménie? Alors qu’elle reçoit «chaque année des dizaines de millions de dollars d’aide américaine», l’Arménie ne s’aligne pourtant pas sur la politique de sanctions américaines et européennes à l’égard de l’Iran. C’est même tout le contraire qui se passe: Erevan se rapproche actuellement de Téhéran. L'Iran constitue une «bouée de sauvetage» pour ce petit pays auquel «deux de ses quatre voisins, la Turquie et l’Azerbaïdjan» ont imposé un blocus «depuis le début des années 1990», explique Eurasianet.
La très officielle agence de presse de la République islamique d’Iran rendant compte de la visite le 23 décembre 2011 du président Mahmoud Ahmadinejad au président arménien Serge Sarkissian, évoquait d'ailleurs la déclaration conjointe dans laquelle l’Arménie et l’Iran s’étaient prononcé ensemble sur «le droit de toutes les nations à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire».
Les responsables arméniens ont expliqué, écrit toujours Eurasianet, que l’embargo international contre l’Iran n’empêcherait pas Erevan de poursuivre les projets communs avec Téhéran. Et plus particulièrement la construction, censée débuter en 2012, d’un oléoduc long de 365 kilomètres, de Tabriz (Iran) à Yeraskh (Arménie). En acheminant «1,5 million de litres de gaz et de diesel», cet oléoduc devrait permettre à l’Arménie d’économiser 30% de ses dépenses d’énergie, chaque année.
L’Arménie est déjà en partie approvisionnée par «un gazoduc de 140 kilomètres en provenance» d’Iran. «Deux projets, l’un hydroélectrique, l’autre de chemin de fer, dépendant tous deux d’un financement iranien, sont aussi à l’étude».
Selon le Service statistique national arménien, cité par Armenews, «l’Iran ne représentait que 6,1% du commerce extérieur de l’Arménie en 2011. L’Union européenne représente en comparaison 33,6% et les actions russes 20% au total. Pourtant, la moyenne des échanges commerciaux avec la République islamique a augmenté de plus de 21% pour atteindre 241,7 millions de dollars cette année».
Certains observateurs arméniens pensent que «Washington fermera les yeux sur la possible construction de cet oléoduc entre Tabriz et Yerakh». D’ailleurs un télégramme diplomatique révélé par Wikileaks avait, dès 2006, indiqué qu’il serait «"extrêmement difficile" pour l’Arménie d’accepter des sanctions américaines contre l’Iran, "étant donné les liens énergétiques cruciaux entre les deux pays et la situation géopolitique de l’Arménie"».
Et puis, l’Arménie se tourne vers l’Iran pour prendre ses distances avec la Russie, ce qui en revanche convient plutôt bien aux Etats-Unis.
Reste que la décision européenne, le 23 janvier, d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran à partir de juillet 2012 pourrait empêcher Téhéran de financer ses projets communs avec l’Arménie.
Il n’est alors pas exclu que les responsables iraniens demandent de l’aide à la Chine et à l’Inde. Ces deux pays s’opposent aux sanctions américaines contre l’Iran. Et leurs intérêts dans le Caucase du sud vont «croissant».