Etrange paradoxe: d’un côté, Hollywood embauche des linguistes pour imaginer de nouvelles langues pour ses héros de science-fiction, de l’autre près d’un tiers des langues qui existent sur terre sont condamnées à disparaître, au grand dam des linguistes.
En américain, on l’appelle un «conlanger, [...] une personne qui construit de nouvelles langues et qui est passionnée par les mots et les structures grammaticales». L’un d’eux, que nous présente le New York Times, s’appelle David J. Peterson. Il a 30 ans et a étudié la linguistique à l’université de Californie. C’est lui qui a inventé le dothraki, la langue parlée, dans cette vidéo, par l’un des héros de Game of Thrones.
David J. Peterson possède une certaine habitude de ce travail puisque le dothraki est la treizième langue qu’il a inventée. Mais il est tout particulièrement attaché à deux de ces langues:
«Le Zhyler, inspiré par de l’ancien turc, et le Kamakawi, qui a quelques points communs avec la langue parlée à Hawaï.»
Le plus difficile est de décider ou pas de l’existence de tel ou tel mot, explique David J. Peterson. Ainsi a-t-il établi que les Dothraki «avec leurs longues nattes» ou«jahaki» ne possèdaient ni téléphone portable, ni livre. Inutile donc d’inventer des mots pour ces objets. En revanche, «les Dothraki ont plus de 14 mots pour dire cheval».
Puis, David J. Peterson a créé les racines de la langue en jouant et combinant des lettres avec des sons. Après avoir compilé un peu de vocabulaire, il l’a testé grammaticalement en griffonnant «des modèles de phrases» et en y ajoutant «des suffixes et des préfixes» pour augmenter le nombre de mots inventés. Objectif: inventer «environ 10.000 mots».
Durant «les soixante dernières années», on a assisté au «développement des langues sindarin, quenya ou khuzdûl dans Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien, du klingon dans la franchise de science-fiction Star Trek ou encore du na'vi dans Avatar de James Cameron», détaille un article que nous avions publié en août. Le lecteur peut d’ailleurs comparer les mots de certaines de ces langues, inventées pour les besoins du cinéma, dans le petit lexique proposé en bonus.
D’autres linguistes se battent eux pour sauver des langues qui disparaissent, soit 25 par année, selon l’Unesco. Le Français Claude Hagège a tiré la sonnette d’alarme dans l’Express:
«Dans un siècle, si rien n'est fait, nous aurons perdu la moitié de notre patrimoine linguistique, et sans doute davantage à cause de l'accélération due aux prodigieux moyens de communication.»
Ces linguistes-là écrivent, eux aussi, une grammaire, un dictionnaire, «seule manière de sauver une langue». Mais c’est insuffisant, il faut la parler pour la préserver, ce qui nécessite «une vraie volonté, un vrai désir de la communauté».
Or cette volonté, un papa, D’Armond Speers, l’a eue. Comme nous l'expliquions, lui, ce n’est pas dans une langue en disparition qu’il a parlé à son fils mais en klingon, la langue de Star Trek. Résultat: son fils est bilingue klingon-anglais.