Sur son blog Pas au 20 heures, Guillemette Faure revient sur l'enquête d'Edward J. Epstein sur le Sofitel, et plus particulièrement sur son aspect médiatique.
La journaliste des Inrocks s'interroge sur la décision du New York Times, du Daily Beast et du JDD en France de ne pas publier ce long article d'investigation sur l'affaire DSK et plus particulièrement sur la journée du 14 mai, finalement paru dans la New York Review of Books.
D'après elle, les journalistes du JDD ont ainsi trouvé l'enquête trop fragile pour être traduite et publiée telle quelle (un résumé de l'article avait également été écrit dès vendredi sur Rue89). Le Daily Beast avait également refusé son enquête pour la même raison.
Pour le correspondant de L'Express à New York Philippe Coste, la vraie surprise de cette enquête, c'est sa publication dans la New York Review of Books, «bible de l'intelligentsia», ce qui «constitue un joli coup qui ajoute à l'illusion de crédibilité. C'est aussi un mystère à élucider».
Dans son enquête, Edward Epstein pose de nombreuses questions ou fait des suppositions qui laissent la place à un possible complot (sans que le journaliste lui-même n'écrive ce mot, même si dans son interview au JDD il dit bien «croire à un complot»).
Comme le relève Pas au 20 heures, la correspondante de France Info et France Inter à New York Fabienne Sintes a procédé à un exercice de style saisissant: elle y formule sa propre liste de questions à la lecture de l'article d'Epstein, montrant que celui-ci comporte de nombreuses zones d'ombres:
Là où Epstein se demande pourquoi les employés de l'hôtel font une danse de la joie peu de temps après avoir entendu l'histoire de Nafissatou Diallo, elle répond:
Pourquoi les employés de l’hôtel qui dansent leur joie le font devant des caméras de sécurité ?
Là où Epstein note l'étrangeté du délai entre le premier récit de la femme de chambre et le moment où l'hôtel appelle la police, elle demande:
Pourquoi les employés du Sofitel n’auraient-ils pas tout simplement attendu avant d’appeler la police, parce qu’ils voulaient être couverts par les dirigeants du groupe? Ça n’est pas anodin, de faire arrêter le patron du FMI futur candidat à la présidence de la République!
Lors de notre entretien téléphonique, Edward Epstein lui-même a procédé à un léger rétropédalage sur la partie «complot fomenté depuis la France» de son article, affirmant n'avoir «jamais voulu accuser l'UMP» et précisant que «personne n'a dit que la direction de l'UMP avait demandé» à ce que le BlackBerry ou les emails de DSK soient piratés.
Quant à la «danse de célébration», Epstein n'a pas regardé la vidéo de surveillance un chronomètre en main. William Taylor, avocat de DSK qui a parlé au Monde et a reconnu être une des sources du journaliste, explique que «la "danse" elle-même dure huit secondes, mais leur joie va au-delà de l'accolade qu'ils se donnent», puisqu'ils sourient, agitent leurs mains et se font des high-five pendant quelques minutes au total.
Reste à savoir la raison de cette célébration: Accor, qui a interrogé les employés qui ont «catégoriquement nié que cet échange ait quelque lien que ce soit avec M. Strauss-Kahn», refuse d'en dire plus, ou de rendre publique la vidéo. La prochaine étape pourrait être au procès civil, dont la première audience a été reportée (sans rapport avec la parution de l'article).