On connaît déjà peu le rôle des primates dans la conquête spatiale; on connaît encore moins les conditions de leur entraînement et de leur séjour en orbite. Le journaliste Alexis Madrigal, à partir du compte rendu des expériences conduites sur Enos et d’autres singes par la Nasa, raconte ainsi dans The Atlantic l’histoire d’Enos, pionnier américain du vol orbital, précédant l'astronaute John Glenn (février 1962) mais quelques mois après le cosmonaute soviétique Youri Gargarine (avril 1961).
Une mission qui aurait de quoi faire grincer les organisations de protection et de défense des animaux d’aujourd’hui. Les chimpanzés devaient compléter lors de leurs missions des tests de logique simple, et recevaient des décharges électriques si leur réponse n'étaient pas les bonnes. Un des tests consistait notamment à différencier une forme (rond, triangle, etc.) de deux autres formes identiques.
Enos n’a rencontré aucun problème particulier avec la première batterie de tests qu’il a effectuée en orbite en 1961, ne recevant «que» dix chocs électriques pour 18 questions. Mais lors d’une deuxième session, l’ordinateur a posé de manière répétée le même problème à Enos, celui de la première ligne du schéma ci-dessous, où la bonne réponse est celle du milieu.
Problème: le levier permettant à Enos de sélectionner la réponse du milieu était cassé. Les scientifiques ne pouvant pas remédier à l'anomalie à distance, le pauvre singe reçut 33 chocs électriques d’affilée. Pour autant, les scientifiques ont observé plus tard avec étonnement que les décharges électriques n'avaient pas d'effet direct sur son comportement et sa réaction aux tests ultérieurs.
Finalement, Enos retournera sur Terre sain et sauf, contrairement à ses prédécesseurs Albert et Albert II, morts de suffocation lors de leurs vols sur des fusées en 1948).
Pourquoi envoyer des singes dans l'espace? «Les hommes et les singes ont approximativement une même sensibilité au rayonnement spatial. Donc il est préférable de conduire des expériences avec des macaques au lieu de chiens ou autres animaux», expliquait le directeur de l'institut de Sotchi de primatologie médicale en 2008 à la BBC.
Pour autant, c'est tout d'abord avec des chiennes (Albina et Tsyganka) que l'URSS, à la fin des années 1950, a tenté l'expérience spatiale en les mettant à bord d'un scaphandre qui s'est élevé à 85 mètres d'altitude. Ce même institut russe se charge en ce moment de reproduire les conditions d'apesanteur et d'isolement de l'espace pour connaître les réactions des primates en vue d'un hypothétique voyage sur Mars. En 1967, la France a également envoyé deux guenons –Martine et Pierrette– via la fusée Vesta.
Que sont devenus ces singes de l'espace? La tombe d'Ham se trouve au musée d'histoire spatiale du Nouveau-Mexique. On ne sait où se trouvent les restes du chimpanzé Enos mais on sait qu'il est mort le 4 novembre 1962 de dysenterie; des experts ayant examiné sa dépouille ont estimé qu'il ne présentait aucun symptôme ou traumatisme qui pouvait être relié à son expérience spatiale.