Le romancier américain Henry Miller avait une passion: lire aux toilettes. Selon lui, certains chefs d’œuvre comme Ulysse ne pouvaient être appréciés à leur juste valeur s’ils n’étaient pas lus sur le trône. Il est même allé jusqu’à recommander certains types de WC pour la lecture de certains auteurs. Pour apprécier Rabelais, rien de mieux que des toilettes de campagne, «une petite dépendance dans un champ de maïs, avec une lueur de soleil qui traverse la porte».
Mais si la poésie de Miller et son enthousiasme pour la lecture aux toilettes rendent la pratique très tentante, celle-ci n’en soulève pas moins des questions d’ordre médical, et a même fait l’objet d’une étude scientifique israélienne en 2009, rapporte la Guardian, qui consacre un article à la question: «Lire aux toilettes est-il mauvais pour vous?»
Val Curtis, directrice du Centre d’Hygiène à la Hygiene Centre at the London School of Hygiene and Tropical Medicine et elle-même adepte de la pratique, concède qu’il existe un risque hygiénique dû aux matières fécales qui peuvent être laissées sur le livre ou le journal en question, puis transmises sur les mains d’autres lecteurs. Mais elle précise tout de suite que le risque est minime, et est réduit à presque zéro si vous vous lavez bien les mains après avoir fini.
Tout dépend aussi de l’objet que vous utilisez pour lire: les microbes ne survivent pas longtemps sur les surfaces absorbantes comme les journaux en papier, mais résistent plus sur les couvertures en plastique et surtout sur les écrans des appareils électroniques. BBC News rapportait récemment qu’un téléphone portable sur six était contaminé par de la matière fécale.
Curtis, qui écrit un livre sur le dégoût, explique que l’évolution nous a rendus plus attentifs au risque infectieux, ce qui explique notre révulsion pour les fluides corporels, et qui peut parfois nous amener à exagérer le risque de contagion.
Car les traces de manières fécales sont présentes sur de nombreux objets que nous touchons tous les jours. Le Guardian consacre ainsi un diaporama à huit réalités que nous ignorons sur l’hygiène quotidienne, où l’on apprend notamment qu’il y a en moyenne 200% de bactéries fécales en plus sur une planche à découper que sur une cuvette de toilette.
Ron Shaoul, le chercheur qui a mené l’étude de 2009 sur 500 volontaires, pense aussi que le risque de contagion est faible. Il avait avant tout cherché à savoir si lire aux toilettes avait une influence sur les mouvements de l’intestin, la constipation et sur les hémorroïdes, sans trouver de corrélation significative. Sa conclusion, selon le Guardian:
«Lire aux toilettes est répandu, empêche de s’ennuyer et est finalement inoffensif.»