Invité de l'émission de Pascale Clark sur France Inter ce jeudi 6 octobre, le journaliste Ivan Levaï s'est laissé aller à de nombreuses approximations sur le viol.
Le premier mari d'Anne Sinclair, toujours proche d'elle et de Dominique Strauss-Kahn, participait à l'émission pour la sortie de son livre sur l'affaire DSK-Nafissatou Diallo, intitulé Chronique d'une exécution.
Après avoir entre autres dit qu'il avait espéré qu'une chaîne de télévision ne diffuserait pas les images de l'ancien patron du FMI menotté, et qu'il ne croyait pas à un complot ourdi pour faire tomber DSK, il a discuté de ce qui s'était passé, selon son interprétation, dans la suite 2806.
Il a relevé le fait «incroyable» que ni DSK, ni Nafissatou Diallo ne soit sorti de la pièce où ils s'étaient retrouvés face à face alors que DSK était nu, avant d'affirmer dans un échange avec Pascale Clark:
«IL: Moi je ne crois pas au viol. Pour un viol il faut un couteau, un pistolet, etc.
PC: Pas forcément... Il faut forcer... Violer c'est aller contre l'autre volonté...
IL: Vous avez vu la taille des deux? Elle est... Bon... Enfin bref»
Non, comme nous l'avons déjà écrit, pour un viol il ne faut pas «un couteau, un pistolet», ni aucun autre type de contrainte physique:
La réalité est toute autre. Selon la permanence téléphonique Viols Femmes Informations, 49 % des viols sont commis sans aucune violence physique.
S’il est difficile de chiffrer exactement le phénomène, ses explications sont nombreuses. Le viol est un acte de domination qui commence souvent par de la peur, un sentiment que l'on trouve dans nombre de témoignages de victimes. Une peur qui paralyse totalement la victime, ou la sidère selon le terme utilisé en psychologie. Le site SOS Femmes utilise une métaphore souvent citée pour décrire cette sensation:
«La victime se retrouve dans la même situation qu'un lapin traversant une route de nuit et qui est pris dans les phares d'une voiture: pétrifié, figé, tétanisé, incapable de réagir, il se laisse écraser par la voiture.»
Ivan Levaï ne s'est pas arrêté là dans les erreurs sur ce type de crimes. Plus tard dans la conversation, il dit d'abord qu'en France une femme sur six a été violée ou agressée sexuellement. Jusque-là c'est presque correct, d'après une enquête de 2006 16% des femmes interrogées disaient avoir été victime d'un viol [PDF] ou d'une tentative de viol dans sa vie (presque correct, parce que –comme le relève Acrimed– il ne faut pas confondre agression sexuelle et tentative de viol, si on ajoute à ce chiffre celui des agressions sexuelles, il serait bien plus élevé).
Mais ensuite il affirme:
«Je sais aussi que sur les 75.000 crimes de viols qui font l'objet de plaintes à la police, 10% sont des fantasmes et des faux.»
Là, rien ne va plus: il n'y a pas 75.000 plaintes pour viols en France chaque année, loin de là. D’après les chiffres de l'Observatoire National de la Délinquance, entre 50.000 et 75.000 femmes sont violées chaque année en France. Selon le collectif Contre le viol, seulement 10% des victimes portent plainte et 2% des violeurs sont condamnés.
Quant aux chiffres sur les fausses plaintes, il n'y a pas de statistiques sur le sujet. Les seuls chiffres que l'on trouve viennent d'un reportage de France Info de 2009, où deux policiers de la 2e Division de Police Judiciaire à Paris (qui traite le nord-est de la capitale), affirmaient que dans leur secteur en 2008, sur 254 plaintes pour viols, «10% étaient mensongères».
A ce propos, la blogueuse Valérie de Crêpe Georgette notait que –si elle ne niait pas l'existance de plaintes mensongères mais leur importance– le reportage ne précisait pas «quelle méthodologie a été employée pour dire qu’une plainte est mensongère. Est ce qu’une classement sans suite en fait partie par exemple? La relaxe au bénéfice du doute en fait elle partie?»