Les images du 11-Septembre sont sombres, grisâtres ou rougeâtres, à la limite de l’apocalypse visuelle, qu’elles capturent l’instant précis de l’attaque terroriste ou celui des pompiers new-yorkais hissant la bannière étoilée sur les décombres des Twin Towers. Mais il est une photographie qui diffère des images abondamment reprises par les médias (elle est consultable sur le site de Magnum). Son auteur s’appelle Thomas Hoepker et son oeuvre a été contestée cinq ans après le 11-Septembre, au moment de sa publication. La photographie la plus controversée du 11-Septembre? Tentative d’explication par The Guardian.
Un groupe de New-Yorkais qui discute, un parc de Brooklyn, un soleil éclatant. Une journée idéale pour une photographie de type carte postale. Seulement, ce n’est pas un jour ordinaire: au second plan, se dégage un vaste nuage de poussière auréolant la pointe sud de Manhattan où les tours jumelles ont été attaquées par deux avions. Un contraste saisissant que le photographe, au lendemain du 11-Septembre, n’a pas osé publier de peur de choquer le reste de ses concitoyens à la lumière des photographies qui circulaient à ce moment-là «sur l’abondance de compassion des New-Yorkais à l’égard des familles touchées, l’héroïsme des pompiers, de la police et des aides anonymes».
D’aucuns y ont vu la capacité de ces citoyens américains à aller de l’avant comme le critique américain Frank Rich pour qui «ces jeunes gens dans la photographie d’Hoepker ne sont pas nécessairement insensibles. Ils sont juste Américains».
Une image reste une image, à l’intelligibilité parfois obscure. Elle aurait été différente une seconde avant, une seconde après. Dans une tribune parue sur Slate.com en 2006, Walter Sipser, identifié comme l’homme portant un T-shirt bleu-gris en compagnie de sa petite amie qui apparaît comme faisant bronzette, s’estime trahi d’avoir été photographié sans avoir donné sa permission alors qu’ils étaient tous «dans un profond état de choc et d’incrédulité» face à ce qui se préfigurait devant eux. La photographie de Thomas Hoepker, qui a lui-même affirmé qu’il n’était pas un artiste mais un faiseur d’images, apparaît aux yeux de Jonathan Jones, dans The Guardian, comme la rapidité de l’esprit humain à oublier.
«Et donc, dix ans après, cette photographie renvoie aux souvenirs qui s’estompent facilement. Nous sommes les personnes au premier plan. Nous sommes ceux dont les vies ont continué, affectées sans être trop atteintes, séparées du cœur de la tragédie par l’eau bleue du temps, qui s’est avérée encore plus profonde et plus impossible à traverser.»