Wikileaks, le site qui se spécialise dans la publication de nombreux documents officiels secrets, a diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi 2 septembre la version non censurée ni expurgée des 250.000 câbles diplomatiques américains en sa possession. L'organisation en avait diffusé une petite partie en décembre 2010 via des médias partenaires, qui avaient pris soin de noircir notamment tous les noms des informateurs des différentes ambassades.
Pourquoi cette diffusion brutale de tous ces câbles non expurgés? Le Spiegel raconte les six étapes qui ont mené l'organisation à cette décision:
Etape 1: Lors de l'accord entre Wikileaks et les médias, Julian Assange a donné le mot de passe du fichier contenant la totalité des documents à un journaliste du Guardian, qui écrivit ce mot de passe dans son livre sur l'affaire.
Etape 2: Quand il a quitté l'organisation –en désaccord avec Julian Assange–, son porte-parole Daniel Domscheit-Berg a emporté avec lui tout un groupe de données qui contenait en fait également secrètement la totalité des cables.
Etape 3: En voulant bien faire, les soutiens de Wikileaks ont créé des sites miroirs en 2010, contenant toutes les données jamais publiées par le site, dont ce groupe de données qui contenait le fichier caché des 250.000 câbles.
Etape 4: Enervé contre Assange, Daniel Domscheit-Berg avait emporté, en plus de ces documents, le système sécurisé permettant à n'importe qui d'envoyer des fichiers à Wikileaks, rendant l'organisation temporairement hors d'usage. Il a aussi accusé Assange de ne pas être suffisamment prudent avec ses sources, et a lancé un site concurrent, OpenLeaks.
Etape 5: Quelqu'un donne le mot de passe associé au fichier secret à un journal allemand partenaire d'OpenLeaks. Der Freitag publie un article prudent sur cette histoire, sans révéler l'endroit exact où trouver le mot de passe mais en affirmant qu'il est facilement identifiable.
Etape 6: Sur un forum de développeurs, quelqu'un raconte l'histoire du journaliste du Guardian, du fichier caché et de son mot de passe. A partir de là, tout le monde peut obtenir sans trop d'effort les 250.000 documents. Wikileaks distribue alors des liens vers le fichier encodé, puis demande sur son compte Twitter si l'organisation devrait publier les cables non expurgés. Ecrasante majorité de oui.
Wikileaks affirme que tout est de la faute du Guardian, mais le journal a répondu qu'on lui avait dit que le mot de passe était temporaire et serait effacé dans les heures qui suivaient, notant que personne de Wikileaks n'avait rien dit au moment de la publication du livre.
Pour l'instant, une personne a perdu son travail après avoir vu son nom révélé dans un des câbles tout juste publiés (et non expurgés), rapporte le New York Times, mais les ONG spécialisées dans les droits de l'homme s'inquiètent des conséquences plus graves.
Qu'a-t-on appris avec ces nouveaux câbles? Entre autres que l'armée américaine aurait en 2006 tué des civils irakiens, dont des femmes et des enfants, à bout portant, puis ordonné un bombardement aérien pour effacer ses traces, ou que 120 enfants chinois, arrivés en Suède illégalement, ont disparu en l'espace de 18 mois des centres d'immigration de Stockholm.