Le Figaro a rencontré un des militaires français qui ont participé en 2008, avec des ingénieurs de la société d'ingénierie informatique Amesys (filiale du groupe informatique Bull), à la formation des services de renseignement libyens pour placer le pays sur écoute.
«Nous avons mis tout le pays sur écoute. On faisait du massif: on interceptait toutes les données passant sur Internet, mails, chats, navigations Internet et conversation sur IP», a expliqué, sous couvert d’anonymat, le témoin au quotidien. Il raconte par exemple avoir montré à ses interlocuteurs «comment trouver tous les Libyens qui allaient sur lefigaro.fr et sur lemonde.fr».
«Les cadres de Bull étaient très attachés à cette mission qui avait été facturée environs 10 millions d'euros», ajoute-t-il, en affirmant que l'homme d'affaire franco-libanais Ziad Takieddine, dont les relations avec le gouvernement français ont été récemment épinglées par une série d’enquêtes de Mediapart, a fait l'intermédiaire et a géré le volet commercial du produit de surveillance, baptisé «Eagle».
Au sommet du pouvoir libyen, l’opération a été notamment supervisée par Abdallah Senoussi qui, rappelle Le Figaro, est le «beau-frère de Kadhafi et chef des services secrets libyens, […] tristement célèbre pour avoir été condamné par contumace pour son implication dans l'attentat du vol 772 d'UTA dans lequel périrent en 170 personnes en 1989, abattues en vol par un missile».
L’implication d’Amesys dans la surveillance des Libyens avait été révélée le 10 juin par Owni, puis à nouveau évoquée mardi 30 août par le Wall Street Journal, qui avait visité les bureaux d’où s’exerçait l’espionnage à Tripoli. L’article du quotidien américain décrivait par exemple un chat Yahoo intercepté fin février, après le début du soulèvement, où un opposant de Kadhafi s’inquiétait auprès d’une jeune femme:
«Je suis traqué. Les forces de Kadhafi écrivent des listes de noms.»
Le journal révélait également l’implication d’autres entreprises qu’Amesys dans la surveillance des Libyens: Narus, une filiale de Boeing, le chinois ZTE et le sud-africain VASTech. Il rappelait que «la vente de technologies utilisées pour intercepter des communications est généralement permise par la loi, même si les fabricants de certains pays, dont les Etats-Unis, doivent d’abord obtenir une autorisation spéciale pour exporter des outils d’interception de haut niveau».
Article actualisé le 1er septembre à 15 heures avec la première mention de l'activité d'Amesys, effectuée par Owni en juin.