La première puissance économique du monde seraient devenus le «pays des bons alimentaires» («food stamps nation»), estime l’agence de presse Reuters.
Près de 46 millions de personnes vivent de l’aide alimentaire aux Etats-Unis, soit 15% de la population. Depuis 2007, leur nombre a augmenté de 74%, principalement à cause de la forte récession qu’a connue le pays.
En mai 2011, un tiers des habitants de l’Alabama vivaient de l’aide alimentaire, tout comme un cinquième des habitants de Washington D.C., du Mississippi, Nouveau Mexique, Tennessee et de l’Oregon. Selon les estimations officielles, environ un tiers des personnes susceptibles de recevoir cette aide ne font pas partie du programme.
Parallèlement, le coût de ce programme a fortement augmenté pour atteindre 68 milliards de dollars en 2010, ce qui représente un tiers des revenus issus de l’impôt sur les sociétés collecté la même année. Certains élus républicains n’ont pas hésité à pointer du doigt le programme en prévision d’éventuelles coupes budgétaires.
Genna Saucedo occupe le poste de responsable des caisses dans un supermarché Wal-Mart à Pico Rivera en Californie, mais son salaire ne lui permet pas de nourrir correctement son fils de douze ans. Elle travaille 26 heures par semaine payée chacune 9,70 dollars (6,75 euros) de l’heure. Genna vit avec son fils chez sa mère et ne peut se passer des bons alimentaires pour «survivre». Selon Reuters, «nombre de ses collègues sont dans la même situation». La jeune femme de 32 ans déplore:
«C’est triste de voir que, même en travaillant, j’ai besoin de l’aide du gouvernement. J’ai pourtant demandé à travailler à temps complet.»
Cette situation difficile, les clients de Genna la connaissent aussi. Bill Simon, responsable des activités aux Etats-Unis chez Wal-Mart, a ainsi déclaré récemment lors d’une conférence que sa société avait constaté une augmentation du nombre de clients dépendant des bons alimentaires.
Une aide sociale vitale
«S’il existe des abus, la majorité des cas sont similaires à celui de Genna Saucedo», constate Reuters. Sans l’aide alimentaire, les familles à bas revenus ne pourraient plus financer leur logement et payer leurs factures. Parmi les foyers recevant l’aide alimentaire, 40% sont composés d’au moins une personne percevant un salaire régulier. Carolyn McLaughlin, directrice de BronxWorks, une association d’aide sociale de New York, explique ainsi:
«Quand ils travaillent, les gens s’imaginent qu’ils ne peuvent pas recevoir d’aides. Pourtant, il est impossible de faire vivre sa famille avec un salaire entre 10 et 12 dollars de l’heure, surtout quand il faut additionner les coûts du transport, de l’habillement et le loyer.»
Les bons alimentaires n’existent plus sous leur format papier depuis 2004, année où ils ont été remplacés par des cartes régulièrement rechargées. En 2008, le programme a été rebaptisé SNAP pour Supplemental Nutritional Assistance Program (Programme d’assistance en nutrition supplémentaire).
Selon Le Monde, l’accord sur le relèvement du plafond de la dette américaine entre démocrate et républicains inclue un plan de réduction de la dette qui devrait mettre à mal la politique sociale des Etats-Unis. Henri Sterdyniak, directeur du département Economie de la mondialisation à l'OFCE et professeur à l’université Paris-IX Dauphine, affirme que ce plan va faire «supporter l'ajustement aux plus pauvres»:
«Au final, ce sont les plus pauvres qui vont supporter l'ajustement, alors même que l'une des causes de la crise aux Etats-Unis, c'est la trop faible consommation, ou plutôt la trop forte consommation à crédit. […] Aux Etats-Unis, le système des aides sociales est remis en cause lors de chaque élection. Le pays n'est donc pas protégé contre un accident politique qui verrait la droite républicaine les supprimer. Les démocrates sont des défenseurs timides du système, ce qui rend l'équilibre fragile.»