«Un peu après onze heures du soir la nuit du 1er mai, deux hélicoptères MH-60 Black Hawk ont décollé de la base aérienne de Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan, et se sont embarqués pour une opération secrète au Pakistan pour tuer Oussama ben Laden.»
Ces mots ouvrent un article-fleuve du magazine américain New Yorker sur l’opération «Neptune Spear» («la lance de Neptune»), qui a abouti à la mort du leader d’al-Qaida dans une maison de la ville d’Abbottabad. Un article salué comme l’un des comptes-rendus les plus fournis des évènements: l’auteur, Nicholas Schmidle, y décrit avec un grand luxe de détails les quatre-vingt-dix minutes de trajet en hélicoptère et les quelque quarante minutes d’opération sur place menées par les Navy SEALs, en concertation avec la CIA, pour tuer Ben Laden.
Il décrit aussi comment le plan a progressivement été élaboré à partir de l’élection d’Obama, et notamment comment le président a décidé le raid le 14 mars, ainsi que de ne pas informer les Pakistanais par peur qu’ils ne puissent garder le secret «plus d’une nanoseconde», selon un de ses conseillers. Quatre jours avant l’opération, Leon Panetta, alors directeur de la CIA, aurait réuni des dirigeants de l’agence et des analystes pour leur demander le pourcentage de probabilité de trouver Ben Laden dans le lieu qui avait été repéré —les réponses oscillaient de 40 à 95%...
L’article raconte également que plusieurs scénarios avaient été examinés (faire atterrir des hélicoptères en dehors d’Abbottabad et faire venir les troupes à pied, creuser un tunnel, effectuer des frappes aériennes…) mais qu’il a finalement été décidé de faire poser les appareils sur la maison car «le principe des opérations spéciales est de faire ce qui est le moins attendu», selon un participant. Une idée qui a valu une belle frayeur aux Américains puisqu’un des hélicoptères a fait un atterrissage d’urgence: un épisode qui a brièvement «coupé le souffle» à tous ceux qui supervisaient l’opération selon Nicholas Schmidle, interviewé par la NPR.
L’auteur décrit aussi, évidemment, les circonstances de l’exécution de Ben Laden, abattu de deux balles par un SEAL. Il cite une personne impliquée dans l’opération qui dément la version de l’administration américaine comme quoi le leader terroriste aurait été «simplement» arrêté s’il s’était immédiatement rendu:
«Il n’a jamais été question de l’arrêter ou le capturer. […] Personne ne voulait de prisonniers.»
Quelques jours après l’opération, Barack Obama a rendu visite aux Navy SEALs pour un débriefing et a tenu à rencontrer tous ceux qui avaient participé au raid —y compris Cairo, le chien qui accompagnait les soldats sur le terrain ce soir-là. Comme le conclut l’article du New Yorker, «il n’a jamais demandé qui avait tiré les deux balles et les SEALs n’ont jamais proposé de le lui dire».