Albert Camus a-t-il été tué par le KGB? C’est la théorie que développe le quotidien italien Corriere della Sera dans un article consacré à la mort du prix Nobel de littérature français. Les circonstances de la mort de Camus sont bien connues: le 4 janvier 1960, lors d’un voyage en voiture entre sa maison de Lourmarin dans le Vaucluse et Paris, la Facel Vega 355 chevaux conduite par son ami Michel Gallimard et où il se trouve s’encastre dans un platane en bordure d’une route nationale. L’écrivain meurt sur le coup, tandis que Michel Gallimard décèdera quelques jours plus tard.
Pendant un demi-siècle, l’histoire s’arrête à cette version officielle. Mais le Corriere della Sera raconte une rencontre qui pourrait remettre en question cette version, celle de l’universitaire italien Giovanni Catelli et de Maria Zabranova, la veuve du poète et traducteur tchèque Jan Zabrana. Ensemble, ils discutent de Toute une vie, le journal de bord posthume de Zabrana. Catelli fait remarquer à Zabranova qu’un passage important du livre sur Albert Camus ne figure pas dans la traduction italienne de l’œuvre. La veuve du traducteur retrouve alors le passage en question, que le Corriere della Sera cite ainsi:
«J’ai entendu quelque chose de très étrange de la bouche d’un homme qui sait beaucoup de choses et a des sources bien informées. Selon lui, l’accident qui a coûté la vie à Albert Camus en 1960 a été organisé par l’espionnage soviétique. Ils ont endommagé un pneu de la voiture grâce à un appareil sophistiqué qui a coupé ou troué la roue avec la vitesse. L’ordre a été donné personnellement par le ministre Shepilov en réaction à un article publié dans Franc-tireur en mars 1957, dans lequel Camus attaquait le ministre, en le nommant explicitement sur les évènements de Hongrie…»
La conversation, tenue en 1980, fait allusion au discours antisoviétique livré par Camus 23 ans plus tôt, lors duquel l'écrivain avait dénoncé les «massacres de Shepilov». L’année suivante, Camus soutient publiquement Boris Pasternak, l’auteur russe du Docteur Jivago, un acte perçu comme un camouflet par le parti communiste russe. Le Corriere della Sera conclut:
«Il y avait assez de preuves pour que Moscou ordonne son assassinat, dans le style toujours professionnel des agents du KGB.»