Il y a quelques jours, l’ARD, la grande chaîne allemande de service public, diffusait un documentaire sur une affaire qui avait secoué l’Allemagne en 2005: L’assassinat par son frère de 18 ans d’Hatun Sürücü, une jeune berlinoise d’origine turque.
Le mobile? Rendre à la famille son honneur perdu, en éliminant la sœur qui vivait «comme une Allemande». Dans le quartier de Kreuzberg, la cohabitation entre la jeunesse allemande branchée et la communauté turque éclate très brutalement. Les Berlinois se rendent compte que sur leur palier, il peut parfois se dérouler une tragédie sanglante.
Pour mieux comprendre ce crime d’honneur, les deux auteurs du documentaire, également co-auteurs d’un livre sur le sujet, ont circulé pendant 3 ans entre l’Allemagne et la Turquie, explique le web-magazine humaniste «Diesseits»:
Entretiens fleuves du meurtrier, interviews avec des amis du meutrier, avec les témoins du procès, des hommes politiques, des proches de la famille Sürücü (…), Matthias Deiß et Jo Goll sondent les circonstances et les raisons lointaines du délit.
Parmi elles, on peut noter un «échec cuisant de l’intégration», poursuit l’article, avant de donner un exemple:
Pourquoi Ayhan, le meurtrier, a longtemps vécu isolé dans la société parallèle kurdo-turque de Berlin, et n’a fait la connaissance d’Allemands qu’une fois en prison ?
Cette mise en cause du processus d’intégration fait écho à l’étude intitulée «Crimes d’honneur en Allemagne», et publiée ce lundi 1e août dans le quotidien Die Welt. Réalisée par les criminologues de l’institut Max Planck, elle démontre que dans beaucoup de cas, l'honneur intervient comme mobile mineur...et que la vraie responsable serait plutôt l'absence de diplôme.
À propos de l’affaire Hatun Sürücü, le document est formel, rapporte le quotidien :
Un assassinat aussi insidieux est, selon toute vraisemblance, une manifestation archaïque de la violence faite aux femmes.
Mais dans tous les autres cas, qui sont ces assassins? Quel est leur environnement culturel? Et quel rapport entretenaient-ils avec leur victime? Pour répondre à ces questions, les criminologues ont examiné de près 78 crimes ayant eu lieu entre 1996 et 2005. Die Welt, quotidien conservateur, s’attarde sur l’une des conclusions:
À travers les 78 délits étudiés, on compte 109 victimes et 122 coupables. Parmi ces derniers, presque tous sont nés ailleurs, et n’avaient pas de passeport allemand. 2/3 des coupables sont originaires de Turquie. Nombreux vivent depuis longtemps en Allemagne, mais s’intègrent mal au pays. La majorité n’a ni bac, ni diplôme professionnel. Un tiers des coupables, au moment des faits, était au chômage.
Et quand de jeunes filles turques s’intègrent mieux que leurs pairs, les ennuis commencent:
Hatun Sürücü a payé de sa vie sa confiance en soi et son succès.